• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? Des rêves je n’en ai pas, car ce n’est qu’en la réalité que je porte mes espoirs ! Je me sais capable de devenir un pilote de F1. Et je veux devenir le plus jeune pilote de F1 (mais je crois que c'est raté vu comment c'est parti) et terminer le plus vieux pilote de F1. Avoir une longue et glorieuse carrière que personne avant moi n’a eue. Je peux paraître quelque peu obnubilé par cela mais… c’est ma vie quoi. Depuis que je sais que la F1 existe, je veux en faire partie. Et je m’en suis donné les moyens, tout comme… Dieu s’il existe, m’a donné les possibilités génétiques de l’être. Plus que ça ! C’est comme si j’avais été programmé pour ce sport. Et ne pas pouvoir atteindre mon but… putain, le but de toute une vie ! Ben ça me briserait, sérieux.

• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? La première fois que j’ai conduit un kart ! J’avais six ans et un jour. L’âge limite, pile ! Il faut dire que j’avais attendu cela avec impatience. Ma mère était championne du monde de karting, dans sa jeunesse. Avant qu’elle ne se convertisse en décoratrice d’intérieur et ne rencontre mon père, un riche chirurgien esthétique devenu rentier à force de belles et bonnes affaires… et fan de voitures de sport. Il faut croire qu’il y a un gêne ‘voiture’ qui existe ! Ah, je m’en souviens encore… je n’ai pas hésité à appuyer sur l’accélérateur. J’avais déjà été briefé par ma mère. Comment prendre rapidement un virage, les positions à adopter… J’avais même déjà commencé à me muscler els bras parce que je savais que j’en aurais besoin ! Mais cela ne m’a pas empêché de me planter dans le décor deux ou trois fois. J’étais si excité que je ne pouvais pas me concentrer, en plus d’être un débutant. Toutefois, à chaque fois je remontais dans le kart, sans une hésitation. Sans une peur. J’étais déjà un sacré casse-cou à l’époque, il faut croire.

• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? Qu’est-ce que je changerais… je ne sais pas véritablement. Il ne m’est jamais arrivé de grands malheurs dans ma vie et les quelques problèmes que j’ai eu m’ont aidé à me construire. Et si quelques passages de ma vie me sont honteux, je ne vois pas l’intérêt d’en changer ne serait-ce qu’un parce qu’il en resterait des centaines d’autres. Ben oui, quand on est con et qu’on fait des conneries, la honte elle nous poursuit presqu’autant que la mort. Je suis certain que je crèverai de façon totalement débile, tiens. Mais, si pour mon âme et conscience je devais refaire quelque chose, ce serait ce jour où, à mes treize ans, j’ai pris mon premier cachet d’ecstasy dans une rave party new-yorkaise. Oui, c’est cela, mes parents me laissaient faire n’importe quoi. Dites ce que vous voulez… j’ai toujours été un gamin en recherche de sensations fortes. Me jeter du haut des falaises, dévaler des monts à vélo… Mais bon, ce que je viens de dire est débile. Parce que je sais que si je n’avais pas tenté ce jour-ci, j’aurais tenté… deux semaines plus tard, à tout casser. Hum. Peut-être serait-il mieux de vouloir effacer de ma vie ce moment où j’ai failli m’embrocher le cerveau avec des baguettes, au restaurant vietnamien. J’avais juste éternué et un de ces dangereux morceaux de bois a failli remonter jusqu’au petit pois qu’abrite ma boîte crânienne. Tiens, me revient en mémoire ce jour pathétique où je me suis retrouvé bloqué dans une piscine qu’on avait emplie de feuilles de gelée, avec d’autres amis. Une belle honte collective aux yeux des parents, effarés. Oui mais non. Ce moment était trop génial pour être effacé. On s’était bien marrés.

• Vivant dans une petite ville côtière, aimez-vous aller nager ou profiter des plages de Cooktown ? Vous vous foutez de moi ? J’ai grandi en Floride ! Et comme tout être y habitant et se respectant, je passais le plus de temps que je pouvais sur la plage. Le bodyboard, le kitesurf, le surf tout court, le wakeboard, la planche à voile, le kayak… et même, le plongeon. Tout ça, je connais. Je suis très sportif, ouais. Il faut bien ça pour compenser mon niveau scolaire misérable ! Et franchement, j’adore l’eau. Dans tous ses états, d’ailleurs. J’adore les saunas, ou le snowboard. Alors je peux vous dire que la plage de Cooktown, j’en profite à fond… j’y cours le matin, j’vais y faire trempette quand j’ai trop chaud, j’y observe les dernières tendances de maillot de bain… et puis, le bruit des vagues m’apaise. Je sais que quand ma mère était enceinte, elle se baladait souvent sur la plage et y mettait les pieds dès qu’elle pouvait. Le médecin le lui avait recommandé, à ce qu’il paraît. J’aime bien me dire que mon amour de l’eau vient peut-être de là… même pas né que je baignais déjà dans la mer. Le seul bémol, c’est que la mer c’est super crade et on sait pas trop ce qui traîne dedans… j’ai peur de me faire ronger un tibia par un requin, quoi.

• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? Peut-être que oui, peut-être que non… il m’arrive de temps en temps des choses bizarres. En même temps je les cherche les choses bizarres… comme cette fois ou mon portable s’est mis à sonner trois fois, à trois heures du matin avant de s’éteindre brusquement. Ah j’ai flippé cette fois-là, j’étais seul dans une des maisons de vacances de ma famille, les poutres craquaient de partout… et c’était en plein milieu du Texas. C’est infesté d’alligators là-bas, je ne vous dit pas. Après il y a eu deux ou trois autres bricoles. J’ai fait le tour de toutes les villes réputées pour leurs fantômes des Etats-Unis et d’Europe donc forcément des expériences avec l'étrange et le surnaturel, cela en fait. Je me demande ce qu’il peut y avoir d’étonnant à Cooktown, tiens… toute ville à ses petits secrets !

Zebadiah grimpa là où se trouvaient les deux danseuses embauchées pour la soirée, sans que personne ne proteste – juste quelques coups de sifflets et cris, tus par la musique, pour l’encourager. Et il ouvrit la bouteille de champagne qu’entre ses mains il tenait, après l’avoir secouée, et en aspergea ceux qui à ses pieds se trouvaient ainsi que les danseuses, dévoilant sous leurs tenues blanches leurs dessous fluorescents, que la lumière noire faisait ressortir. L’une d’elle prit les devant, le saisissant par une hanche pour entamer avec lui une danse qu’elle espérait il se souviendrait toute sa vie - c’était son anniversaire après tout et leur rôle était de faire de cette soirée une réussite. Les parents du jeune adolescent avaient réservés la boîte entière. Des amis, des connaissances et des inconnus avaient étés invités. Cela faisait plusieurs mois qu’on en parlait. Un événement aussi, peut-être plus important que le bal de promotion. Evénement de plus en plus considéré comme ringard par la jeunesse, mais qui s’y rendait encore, en soif d’amusements, fêtes et parties de jambes en l’air. Et Zebadiah, dans le genre, il faisait fort. Non pas qu’il régnait en roi dans l’école huppée où il allait. Une école privée aux frais d’inscriptions abracadabrants. Mais on le connaissait assez bien, pour ses talents sportifs. Dès sa première entrée dans cet établissement, il était devenu un pilier de l’équipe de base-ball. D’une rapidité excessive, il avait déjà plusieurs home runs à son actif. Certains spéculaient sur ses chances d’entrer dans une équipe professionnelle de base-ball, mais tous savaient que son cœur tout entier était destiné à la F1. Ce but ultime qui, bien qu’il foirait ses études de tous les côtés, faisaient que les professeurs ne s’acharnaient pas sur lui. Zebadiah n’avait alors que quatorze ans mais avait déjà gagné plus d’argent que tous ses camarades (quoi que beaucoup certainement n’en gagneraient jamais, tant les économies de leurs parents leurs suffisaient). Zebadiah n’avait pas besoin d’apprendre ses leçons d’Histoire, car il faisait l’Histoire, de par sa seule présence. Zebadiah n’en avait que faire des cartes de géographie dans la salle de cours, car lui voyait le monde en vrai. Zebadiah ne se souciait pas des mathématiques, il avait toute une équipe qui s’occupait de régler ses karts à sa place, à l’aide de savants calculs. Zebadiah avait une vie en apparence simple. Surtout à ce moment, coincé entre deux danseuses généreusement dotées par la nature. Une bouteille de champagne vide à la main, un cachet d’ecstasy sous la langue et beaucoup d'alcool dans le sang. Un t-shirt Prada détendu, un air d’empereur arrogant sur son visage.

Oui, sa vie semblait si simple… une vie à courir sur les plages de la Floride, une vie où tout lui était permis. Une vie dorée, une vie rêvée. L’adolescent avait, à cet âge, bien du mal à croire qu’en Afrique des gens mourraient ou que dans les rues des Etats-Unis, cette contrée si riche, vivaient à temps pleins quelques mal-aimés de la vie. Mais quelle pression sur ses épaules ! Parce que pour réaliser ses rêves, le jeune châtain se savait n’avoir aucunement le droit à l’erreur. Toutes les courses auxquelles il participait il devait non pas seulement les gagner, mais remporter le premier prix. La F1, ce n’est que vingt places pour des milliers de concurrents. Parfois, Zebadiah en avait des vertiges. Fermant ses yeux pour oublier ses peines, il passa ses bras autour du cou de la demoiselle qui lui faisait face. Et cette dernière, emportée par le mouvement, se mit à l’embrasser. Ah… il allait devoir expliquer cela à sa petite amie. Quoique. Cela ne faisait que deux semaines qu’ils étaient ensemble. Et dans trois jours, lui partait pour l’Allemagne. A quoi bon – encore une de ces amourettes adolescentes dans laquelle Zebadiah s’était posé. Et que, encore une fois, il brisait. Volage ? Non. Jeune, fou et un peu perdu.

Il repensa à sa mère, qui toujours l’avait poussé à être le meilleur. Qui avait toujours été son meilleur soutien, dans ses moments de faiblesse. Mais aussi sa plus grande peur. Ce qui l’empêchait de reculer face au danger, car un danger plus grand se tenait derrière lui. Et ne savait s’il devait la remercier ou la blâmer. Perdu.