La mer est si belle
sous les rayons d'un soleil mourant

Ce jour était parfait et c’est pourquoi Zebadiah avait tant insisté pour y aller aujourd’hui. Le vent, au large, faisait se jeter sur le sable d’immenses vagues, aux rondeurs exquises. Des tonneaux, des petites et surtout des grandes. Mais le sourire qu’il affichait sur son joli minois n’était, qu’en partie, dû aux conditions météorologiques agréables aux sports de glisse. Qu’est-ce qu’il aimait aller s’amuser, quand la nuit tombait ! Les vagues prenaient ces teintes entre le rosé et l’orangé et le soleil, bas, faisait scintiller les flots comme s’il s’agissait d’une mouvante montagne d’or. Puis les ténèbres arrivaient… la mer brutalement refroidissait, forçant les plus téméraires à regagner les plages où, çà et là, des feux brûlaient. Qu’importe que ce soit l’hiver, ici c’était toujours la fête. Qu’importe la température de l’eau, les amoureux de la vague ne s’arrêtent pas pour si peu ! Surtout quand, à leurs côtés, se trouvaient une de ces créatures, aux bras graciles et à la taille fine. Oui, une femme.

Comme prévu Zebadiah était allé chercher Eden, avec pour carrosse la vrombissante Melba. Aujourd’hui il espérait, encore une fois, la faire rire, se détendre et se lâcher un peu. Qu’elle quitte, rien que pour lui, ce côté sérieux et réservé qu’elle avait quant alors qu’elle lui donnait des cours. Certes, c’était très bien d’avoir pour professeur une demoiselle si studieuse, sans pour autant être stricte et obtuse comme un Nemo quand on parle de sujets bibliques. Mais en dehors de l’étude, Zebadiah aimait trouver en Eden ce côté déluré qu’elle tentait, incompréhensiblement, de camoufler. Le jeune châtain n’avait jamais vécu ce qu’était la répression parentale, ayant toujours été laissé libre et ne pouvait, de ce fait, voir quelle était la cause de l’étrange comportement d’Eden. Mais ce n’était pas cela qui aujourd’hui importait : toujours peu certain de ses capacités, Zebadiah était tendu. Quoiqu'il ne laissait rien transparaître, un bras par sa fenêtre ouverte, à chanter par-dessus un vieux titre des Beatles… Néanmoins, c’était la première fois que la brune allait faire du bodyboard. Et contrairement à elle, le mignon n’était aucunement pédagogue. Comment allait-il faire pour lui expliquer ? Mince, et il ne pensait à cela que maintenant ? Et son cerveau ne pouvait pas faire deux choses à la fois. Conduire et réfléchir à une stratégie d’apprentissage, de quoi lui donner des maux de tête. Au moins avait-il pensé à prendre du matériel… il n'y avait plus qu'à que le tout serait à la taille de la demoiselle. Zebadiah ne lui avait pas demandé ses mensurations, fidèle à lui-même : faire tout ce qu'il voulait, mais n’importe comment. Etre prévoyant n’était pas un de ses traits de caractère.

La plage finit par apparaître à leurs regards et Zebadiah profita d’un endroit sans clôture pour s'y faufiler, préférant garer Melba sur le sable que sur les parkings prévus à cet effet. Son côté anticonformiste ou terriblement fainéant… à voir. Il arrêta sa belle à quatre roues sur la partie réservée aux surfeurs en tous genres, séparée invisiblement de celle où la plupart des gens se rendaient. Cela évitait, ainsi, que les surfeurs n’assomment des enfants qui simplement se baignaient. Et ce n’était pas plus mal.

Comme prévu, quelques âmes occupaient les lieux, mais beaucoup à présent étaient échoués sur la plage, certainement ayant profité du temps propice depuis le début de la journée. Seuls les plus inconscients osaient aller dans l’eau, quand la pénombre commençait à envelopper les lieux. C’était de loin déconseillé, mais Zebadiah n’avait jamais pu résister à l’appel du danger et de l’interdit. Et Eden aussi, certainement. Malgré tout ce qu’elle pouvait dire ou faire, toujours la belle cédait ! Après un « et voilà, on y est ! » lancé nonchalamment, le châtain stoppa sa bête et ouvrit la portière pour sortir s’étirer, en respirant les embruns qui dans l’air voyageaient. Après avoir baillé d’une façon extrêmement gracieuse (bouche toute grande ouverte à en gober des libellules) il se retourna vers Eden et lâcha, d’un ton léger « ‘fait moins chaud que c’que j’avais prévu ». Un rire. « Bah, ça active la circulation sanguine ! » Encore une fois il bailla puis enleva son t-shirt, sans aucune pudeur, dévoilant son torse légèrement hâlé – mais désespérément imberbe, à croire que la puberté l’avait oublié, ne faisant que renforcer cet air juvénile que Zebadiah possédait. Le jeune homme ensuite alla de nouveau farfouiller dans sa voiture, sortant difficilement de sous les sièges deux planches, des palmes, un haut thermique et une combinaison noire aux finissions d’un jaune pétant, qu’il tendit à Eden. « J’espère qu’elle t’ira, je sais pas trop ta taille alors j’ai pris un peu au pif. » Ce qui était un peu bête, parce que si la combinaison n’était pas ajustée, elle ne risquait pas de tenir chaud à la brune. Mais Zebadiah avait de l’espoir dans ses dons visuels, souvent capable de connaître la taille de pantalon (ou de soutien-gorge) d’une femme d’un coup d’œil.

Lui était déjà à moitié changé, portant en-dessous d’un short de bain noir aux bordures blanches un caleçon thermique – ce qui lui donnait un look quelque peu spécial, mais pas étranger aux côtes d’Australie. Une façon d’être tenu au chaud et d’éviter d’exposer ses parties moulées aux regards de tous. Quoiqu’avec une combinaison complète, ce problème serait moins voyant – le jeune homme se maudit d’avoir généreusement acheté une telle tenue à Eden mais de ne pas l’avoir fait pour lui, se bornant à prendre un haut et un bas thermique… ce qui est bien moins isolant qu’une combinaison en une pièce. Zebadiah se réconforta sur le fait que de toute façon, celles vendues dans les commerces ne lui allaient pas. Bah, il en commandera une sur mesure. Mais plus tard. Là, il devait se concentrer sur la demoiselle.