Je me levais de mon lit difficilement, baillant et étendant mes bras à l'extrême. Il était déjà deux heures de l'après-midi. Nonchalamment, je posais pieds à terre et me contempla dans le miroir qui se trouvait en face. Agitant mes cheveux, j'esquissais un sourire en songeant à ce que j'allais faire aujourd'hui. J'enfilais un mini-short en jean et T-shirt blanc moulant, avant de peaufiner le tout avec une pointe de maquillage. Je me sentais sexy, mais j'avais besoin d'une approbation. Cela faisait quelques temps que je n'avais pas eut de compliments ou d'affection. Seulement, lorsque l'on sait la réputation de séductrice nymphomane que j'arbore, cela pouvait paraitre plutôt improbable de m'imaginer seule chaque soir sur une durée indéterminée. Du fait, j'avais cette idée en tête d'y remédier et d'aller retrouver à l'improviste mon dénommé "sexfriend", Aloys. Quel homme aussi torride et attractif que lui pourrait subvenir à mes envies ? La réponse était toujours la même : personne. Du moins, lorsqu'il s'agissait d'une rencontre improvisée. Rapidement, je pris mes affaires et me dirigeais vers la porte de mon somptueux appartement. Je ne pouvais m'empêcher d'avoir ce regard vainqueur ainsi que cet air déroutant lorsque je savais que j'allais obtenir ce que je voulais d'un homme, d'autant plus lorsqu'il s'agissait d'Aloys. L'avantage que nous avions, c'était de ne jamais pouvoir rien se refuser, et pourtant, aucun de nous ne souhaitait s'embarquer dans une relation sérieuse et officielle. Le non-officiel nous convenait bien mieux et il nous poussait forcément à nous revoir, régulièrement. De plus, nous étions constamment sur la même longueur d'onde, et cette alchimie physique ne s'étouffait pas avec le temps, bien au contraire. Parfois, j'avais l'impression de redécouvrir ce qu'étais la sexualité avec lui, tant nous nous complétions. Je décidais d'aller à pieds jusque chez lui. Je pris donc le bus et marcha quelques minutes avant d'arriver au parc de caravanes. Le côté "routard" de vivre dans une caravane me plaisait particulièrement. Je frappais à sa porte, toutes dents dehors. « Bonjour mon chou, j'espère que je ne te dérange pas trop. Comme tu vois, j'avais une soudaine envie de te rendre visite. Il faut dire que tu m'as manqué. ». Il me fit entré avec une difficulté particulière à cacher sa joie. En fait, je crois qu'autant l'un que l'autre, nous nous efforcions à dissimuler cette complaisance à se rencontrer dans ce genre de circonstances, pour ce genre de raisons. Mais il était toujours difficile ne pas montrer l'excitation - autant physique que morale - que nous éprouvions à chaque fois. Une fois à l'intérieur, je commençais à endosser le rôle que javais l'habitude de jouer lorsque nous étions ensemble. À savoir, la fille chaudement intéressée. M'appuyant sur le bord de la cuisinière, je fixais Aloys droit dans les yeux, pinçant des lèvres et penchant la tête sur le côté, de façon à faire tomber mes cheveux sous le coup de la gravité, et ainsi libérer légèrement ma nuque. Lorsqu'Aloys venait lui me rendre visite, je ne tenais généralement pas longtemps avant de succomber, mais lorsque c'était moi, j'aimais à me faire désirer, languir et quelque fois, ce jeux pouvait durer un certain temps.

On frappe à la porte. C’est déjà assez pour faire trembler toute la caravane. Je sursaute ; mon stylo glisse sur le bout de papier noirci par quelques lignes de notes incompréhensibles et raye quelques lettres. Et merde, c’te maladresse. Absorbé par la journée de recherches que je m’accordais chez moi, loin du labo et de tous les autres rats, je n’aurais pas pensé une seule seconde que qui que ce soit serait venu me rendre visite. Peut-être un collègue venu me trainer jusqu’au centre, un voisin en panne de cigarettes, n’importe qui en manque de compagnie –puisqu’il faut vraiment n’avoir personne d’autre vers qui se tourner pour faire tout le chemin jusqu’ici afin de me voir moi, je pense. Je me tourne vers la porte, le temps de lancer un « Un instant ! » censé faire comprendre que je ne vais pas tarder à ouvrir la porte. D’un geste vif, j’abats l’écran de mon ordinateur portable sur le clavier, je réunis mes notes et recouvre l’appareil avec. Rapidement, je couvre mon torse nu du premier T-shirt qui me passe sous la main –mais en jetant un coup d’œil à travers la fenêtre du mobilhome, je me dis que cela n’était peut-être pas nécessaire. Car j’aperçois, là, dehors, à travers les stores baissés, Abbygail, dont l’attitude et la tenue me laissent déjà deviner le motif de sa visite. Il me semble que je n’ai pas vu la jeune femme depuis quelques temps. J’avais d’autres chats à fouetter, il faut dire ; le traumatisme de ma noyade à digérer en même temps que quelques cicatrices du passés s’ouvrent à nouveau. J’ai préféré me plonger dans le travail pour une poignée de jours plutôt que de batifoler comme je sais pourtant si bien le faire. La fréquence de mes rencontres avec Aby’ en avait pâti. Relativement présentable, j’ouvre finalement la porte à la belle demoiselle. Je lui ai manqué, dit-elle avec un large sourire. Je le lui rends amicalement, la laissant rentrer dans la caravane. Mon antre dans un bordel sans nom, pas vraiment les conditions dans lesquelles j’aime à accueillir mes invités, même impromptus. « J’ai eu beaucoup de boulot, désolé. » La pile de livres et de papiers divers entassés sur le bureau, à côté d’un stock de bouteilles de bières vides, en sont témoin. Honteux. « Excuse le bordel, c’est Bagdad dans cette piaule. » Je suis tiraillé entre le besoin compulsif de ranger un minimum cet endroit avant d’accorder plus d’attention à Aby’, et celui de m’accorder cette pause que la présence de la jeune femme m’offre. Mon regard passe du bureau à la belle adossée à la cuisinière, une ou deux fois, tandis que mes dents glissent sur ma lèvre inférieure, marquant mon hésitation. Je passe rapidement une main dans mes cheveux, observant quelques secondes Abbygail en silence, ses mèches de jais glissant sur sa nuque, un fin sourire étirant mes lèvres. Je mentirais en disant que je suis insensible aux postures aguicheuses qu’elle arbore parfois. « C’est flatteur de savoir que tu ne peux pas te passer de moi. » dis-je avec un air taquin, m’appuyant à mon tour sur le meuble de cuisine à côté d’elle, bras croisés. « Je te sers quelque chose ? » je demande en désignant le petit réfrigérateur derrière moi. Rempli avant tout de bières, et autres alcools ou sodas. Rien de très classe, je l’admets. Mais je vis dans une caravane, pas au Ritz.

Constatant que j'arrivais certainement au mauvais moment, je me saisi de la perche qu'il me lançait pour obtenir une forme d'approbation quant à ma présence ici. « Je peux partir si je te déranges tu sais ». À cette réponse, le jeune homme s'appuya à côté de moi, me proposant de quoi me désaltérer. Je pris cette proposition comme l'approbation que j'attendais. « Je prendrais volontiers une bière, s'il te plait ». Voyant qu'il semblait distrait par la conséquente pagaille qui ornait sa caravane, je lui accordais un moment d’inattention à mon égard, le temps de boire une bière. Je l'observais attentivement, comme j'avais l'habitude de faire. Scrutant les moindres détails de sa gestuelle, de ses manies. Je commençais gentiment à le connaitre par cœur, et c'était peut-être cela qui me poussait à ne jamais l'oublier et à toujours venir le retrouver. Peu à peu, mes yeux se détournèrent du spectacle de ce nettoyage de printemps pour se balader dans l'environnement qui m'entourait. Finalement, ils s'arrêtèrent, presque machinalement sur ce qui pouvait paraitre le plus intéressant. Un document qui semblait important, dont le titre explicite en disait long : « SIRÈNES. MYTHE OU RÉALITÉ ? ». Durant un moment, l'analepse de cette vision que j'avais eut, quelques temps plus tôt, me revint en mémoire, comme si je m'y trouvais à nouveau.

Surfant sur les vagues, complètement prise de mon passe-temps favori, je ne voyais pas la tempête arrivée. En moins d'une seconde je me trouvais sous l'eau, la cheville encore attachée à ma planche. Je me débattais, moi, pourtant si bonne nageuse. Ce fut à cette instant que je sentis quelqu'un me prendre la main et me tirer vers le haut. Quelqu'un, ou plutôt quelque chose. Une belle jeune femme, dont les jambes étaient littéralement remplacées par une queue écailleuse de poisson. Une sirène.

Retrouvant mes esprits, je commençais à me poser des questions sur le sujet. Que savait-il de ces "sirènes" ? Pourquoi y avait-il un tel article dans sa caravane ? L'avait-il lui-même écrit ? Ma curiosité et mon manque de scrupule me poussant à bout, je ne pouvais m'empêcher de poser la question. « Dis-moi Aloys, qu'est-ce que c'est cet article sur les sirènes ? Tu crois aux comptes de fées ? ». Ajoutant un rire à ma réplique, je ne pouvais m'imaginer que cette simple remarque susciterais une quelconque vexation chez mon partenaire.