PSEUDOS DES PARTICIPANTS : Sixtine & ShilohSUJET OUVERT PAR : Shiloh DATE ET HEURE : Vendredi 13 Juillet, aux alentours de 20h. LIEU : Walker Street, chez Shiloh. météo : Ensoleillé quoiqu'un peu frais, mais qu'importe, nous sommes à l'intérieur. CONTEXTE DE LA RENCONTRE : Après une première rencontre haute en couleur avec Jonah et Maiah, Sixtine est invitée à repasser pour s'amuser un peu. DE L'EAU AUX ALENTOURS ? Evidemment.
1 lg. ripe peach, 1 oz. lime or lemon juice, 3 oz. white or dark rum
J'avais le sentiment d'être entraîné dans un tourbillon dont je ne contrôlais rien, de manquer tomber dans des vapes colorées et des pommes sous forme de Punch à chaque seconde, de souffrir de déséquilibres et de vertiges bien plus redoutables que ceux dont me rendaient victime mes inévitables gueules de bois. Dieu que je me sentais bien. Le monde tournait, plus vite, plus flou, et seuls parvenaient à mon esprit embrumé images de sourires et éclairs de lumière cuivrée. La musique me parvenait assourdie par les cris et les bavardages incessants des autres clients, et pourtant son rire me parvenait, clair, délicieux, parfait. Le sien. Le temps s'écoulait à une vitesse folle, ruisselait sur la grande horloge suspendue au fond de la pièce, sur la sobriété des jeunes qui nous entouraient, sur notre sainteté d'esprit. Et nous tournions, encore et encore, n'était-ce pas la seule chose que nous savions faire ? Des senteurs alléchantes nous parvenaient, lointaines, et pourtant venues tout droit d'un futur proche. Nous ne voulions pas nous arrêter, jamais. C'était dans ces moments là que je comprenais, qui j'étais, ce qu'elle représentait pour moi. Je le comprenais car je ne cherchais pas des réponses à mes questions, je ne cherchais plus à contrôler mon esprit, mon corps, j'en étais bien incapable. Tout ce que je voulais, tout ce que nous voulions, c'était ne jamais nous arrêter de danser et laisser le monde tourner. Sans jamais nous laisser tomber.
Nous étions à Barcelone, nous avions enfin quitté notre Australie natale pour nous offrir un voyage avant d'entamer les effrayantes études supérieures. Deux semaines de détente et de réjouissances qui semblaient ne jamais finir, à notre plus grand bonheur. Le dernier soir, nous avions retrouvé nos nouveaux amis catalans dans un bar à tapas. Et ça s'était fini ainsi, alors que nous avions à peine bu, que nous n'avions rien fumé, le ventre vide, les pensées survoltées, nous avions dansé jusqu'à en perdre la mémoire, tourné jusqu'à finir dans un état à rendre jaloux le plus maladif des drogués. Ils croyaient tous que nous étions amoureux. Joe et moi ? Ah ah. Nous riions de leurs imbécillités, sans trop savoir ce qu'il allait nous arriver. Les joues plus rouges que du Chorizo Criollo, le coeur plus repu de bonheur que notre estomac de Tortillas de Patata. Nous étions heureux, nous étions ensembles. Et maintenant... je suis déplorable. Et seul. Enfin, plus pour longtemps. Sixtine devrait passer ce soir. Je ne saurai vous dire l'heure, si elle va amener quelqu'un, si elle aura décidé d'une sortie, déniché une bonne bouteille. Prévoir ne nous correspond pas trop. Mais voilà, je suis un garçon bien bête, et j'ai décidé de préparer des tapas pour une ambiance de fête. Sans penser une seule seconde que les tapas se rapporteraient forcément à Joanna, comme à peu près tous les mots de mon vocabulaire. Et déjà que notre rencontre de cet après-midi m'a totalement achevé, repenser à elle en cuisinant n'est certainement pas la meilleure idée.
Bon. Concentration. J'en suis à où dans ma préparation au juste ? Ah oui, ici, ce sont les Croquetas au jambon Serrano, dans l'huile bouillante. Elles y sont depuis combien de temps ? Merde, merde, merde. Je jette un oeil à l'ordinateur portable posé sur le plan de travail, ouvert sur un site internet présentant les recettes de tapas les plus faciles. Enfin, selon quelques internautes infiniment plus doués que moi en cuisine. Alors, voyons... Je dois attendre qu'elles soient bien dorées. Ça veut dire quoi au juste bien dorées ? C'est très subjectif les couleurs ! Voyons voir mes Croquetas. Elles me semblent dorées. Mais sont-elles BIEN dorées ? Je demanderai bien l'avis de Maiah, mais non seulement elle n'est pas meilleure cuisinière de moi, mais en plus elle n'est pas là. Ne parlons pas de Jonah. A l'aide d'une fourchette, je tente de mesurer leur consistance et de voir si elles sont bien croustillantes. Tiens, il y a quelque chose dans le four. Je me penche légèrement, tout en continuant d'évaluer la qualité de mes Croquetas. Ah. Ce sont mes Empanadas au thon et aux poivrons. Ça fait un bon moment qu'elles y sont. J'espère que Sixte va apprécier tout ce que je fais pour elle. Bon, pas tout à fait pour elle, je m'ennuyais et je me suis dit que la cuisine serait une bonne occupation. Et puis, je me suis mis à cuisiner vingt-mille types de tapas en même temps puisque pendant que certaines reposaient, que d'autres cuisaient, que d'autres bouillaient, il n'aurait pas fallu que je m'ennuie. Bref, trêve de bavardages, sortons les Empanadas de ce four. Je m'accroupis, lâche la main qui tient toujours la fourchette, et cogne ma main contre la casserole au passage.
Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, c'est brûlant. Je lâche le cri de douleur le moins efféminé que j'ai en rayon -il ne faudrait pas que les voisins viennent à douter de ma virilité- et retire ma main précipitamment. Rapprochant au passage la casserole du bord de la cuisinière. Et faisant gicler de l'huile bouillante un peu partout, sinon ce serait beaucoup moins drôle. Je me relève précipitamment, repousse le contenant sur son brûleur, et retire précipitamment mon tee-shirt. Une superbe tâche d'huile vient rompre la monotonie du vert d'eau qui le colorait originellement. Quel artiste je suis. Oh putain, il y a un quelque chose qui crame là. Je jette un oeil à la poêle traîtresse, voisine de la casserole catapulte. Je ne me rappelle même plus du nom de ses occupants, tout ce que je sais, c'est qu'ils sont foutus. Je baisse précipitamment le feu correspondant, ah non, c'était celui du brûleur d'à-côté, retente le coup et réussis cette fois. Les effluves appétissantes de nourriture laissent désormais la place à une désagréable odeur de brûlé. Et merde. Voilà qu'on sonne. Je lâche un soupir bruyant et quitte la cuisine à grandes enjambées, évitant avec une habilité qui me surprend presque les tâches d'huile sur le carrelage. Une fois la porte ouverte, une tête rousse et souriante apparaît dans mon champ de vision. Bon, allez Shiloh, un petit effort. Oui tu as passé un mauvais moment avec Joe cet après-midi, oui tes petits plats tournent tous à la catastrophe, oui c'est entièrement ta faute, comme toujours. Et pas la sienne, alors n'en fais pas la victime de ton humeur massacrante.
Je lui offre le sourire le plus amical que j'ai dans ma très limitée collection de sourires crispés, et lui claque deux bises sonores sur ses joues rebondies de fillette. « Excuse-moi je suis un peu... enfin... stressé. » Je fronce les sourcils, me gratte la tempe. « J'ai mis la cuisine dans un état pas possible, parce que je me suis mis en tête de faire trente choses à la fois, alors que je ne suis pas une fille, mais je suis hyperactif tu vois, donc c'est... Enfin, tu me comprends. Je dis ça, on dirait qu'on est une espèce à part. » Un rire nerveux, bien loin de celui que j'ai d'habitude, bruyant et contagieux. « C'est peut-être le cas en fait, on est encore plus cons que la normale. Enfin, moi en tout cas, je ne voudrais que tu t'imagines que j'ai des doutes sur l'efficacité des tes neurones. Désolé, je n'arrête pas de parler, entre.» Je me recule, libérant enfin le passage, et referme la porte derrière elle. Tiens, je suis torse nu moi. Je baisse les yeux vers mon nombril, surpris. Comment ai-je fini dans cet état-là ? Ah oui. « Euh... Je suis en train de cuisiner. » dis-je en désignant mon ventre, comme si c'était une évidence. Enfin, c'en est une, à force de me tâcher je finis en général mes préparations en caleçon, lorsque j'ai de la chance. « Mets-toi topless si tu veux, je me sentirai moins seul. Bref, tu connais les lieux, tu peux m'attendre sur le canapé, j'arrive dans cinq minutes. » dis-je, achevant enfin mon monologue et retournant dans la cuisine en quatrième vitesse. Je suppose que mes tapas ont réussi à mettre le feu à la moitié de la maison pendant mon absence. Décidément, je crois qu'il est grand temps d'apprendre à cuisiner.
Sixtine Billie-J. O'Brien
FONDA girl gone wild.
PSEUDO : ziggy stardust. / clémence.
CRÉDIT : avengedinchanes
MESSAGES : 3055
ARRIVÉE : 28/05/2012
ÂGE : vingt-quatre ans.
SITUATION : célibataire.
EMPLOI : à la recherche d'un emploi.
CLAN : seiren. (écosse)
POUVOIR : peut faire chauffer l'eau jusqu'à ce qu'elle s'évapore.
so what we get drunk ? we’re just having fun, we don’t care who sees.
L’or de ces soirées d’hiver qu’elle ne connaissait pas si peu de temps auparavant l’enveloppe, mêlé au rose ardent de la nuit tombante. Ces chaleurs inconnues s’épuisent et retrouvent une fraîcheur salvatrice, les vents de l’océan reprenant le dessus. Elle se tient en hauteur sur le belvédère, accoudée à une barrière de fer blanc, et observe le saisissant spectacle qui s’offre à elle, elle qui n’a toujours connu que les nuages gris et lourds de son île natale. Ici, tout est différent. Plus rouge, orange. Coloré. Moins orageux, moins passionné. Et elle s’y plait, songe-t-elle, les yeux rivés sur le disque solaire qui disparaît avec paresse sous les vagues calmes de la baie. Calme. Comme elle l’est, ses doigts battant à peine le rythme de son corps pourtant hyperactif. Elle ne dit rien, ne bouge plus, fascinée par la quantité de nouveautés qu’elle a à découvrir ici. Comme ces paillettes, rayonnant sur l’eau sanguine, évoluant doucement au gré tranquille de la brise légère. Ses doigts fourmillent, elle ne tiendra pas plus longtemps ainsi immobile, aussi belle soit la vue offerte. Elle se redresse, s’étire, avec un sourire adressé au paysage dont elle a profité, puis s’éloigne, reprenant la route à pieds en direction de Walker Street.
Cooktown ne comprend qu’une poignée de rues, qu’elle ne connait déjà que trop, sa seule crainte étant de s’en lasser. Elle peut déjà se repérer dans les artères ridicules du bourg. Alors qu’elle avance d’un pas rapide vers le rire communicateur de Shiloh, elle laisse ses pensées vagabonder, ignorant les rues résidentielles et les quelques boutiques qui défilent devant ses yeux insatiables. Elle a déjà dévoré ces images là. Bientôt, il lui en faudra d’autres, tant elle a aimé la nouveauté à laquelle elle a goûté. Elle aurait envie de pouvoir tout quitter à nouveau, mais elle commence à s’attacher. Ses rêveries s’évadent vers ces amis et ces rencontres, si différentes de celles qu’elle faisait alors en Écosse. Cette fois, elle peut mémoriser les visages, peut se surprendre à vouloir entendre une voix dont elle a retenu le timbre. Il y a certaines de ces voix, aussi désagréables soient-elles à ses oreilles, qu’elle ne se voit pas quitter. D’autres, amenant des souvenirs plus doux, qu’elle n’imagine même pas ne pas retrouver un soir. Elle s’attache et en découvre les bienfaits sur un cœur pourtant vagabond.
Elle arrive enfin et quitte cet air rêveur qu’on ne lui connaissait pas quelques semaines auparavant pour se composer naturellement un grand sourire à l’idée de retrouver Shiloh. Elle retient un rapide élan d’affection qui l’aurait portée vers la porte en courant. Son sang bat dans ses veines et à ses temps à l’idée de toute l’énergie qu’elle pourra dépenser ici, derrière le bois de cette porte. Elle sonne, déjà excitée à l’idée de la soirée que lui avait promis son compagnon hyperactif. Personne pour retenir leur dynamisme bruyant de s’exprimer, ils seraient seuls et pourraient s’en donner à cœur joie. Des sons singuliers résonnent d’ailleurs, et elle s’étonne de n’entendre les pas de Shiloh s’agiter vers la porte. Quand il vient finalement lui ouvrir, après quelques trop longs instants d’attente douloureusement immobile, elle hausse un sourcil étonné. Il lui offre un sourire contrit et claque sur ses joues rebondies deux bises sonores. « Excuse-moi je suis un peu... enfin... stressé. » Effectivement. Il a la tête ailleurs, l’air moins réjoui qu’il ne devrait l’être. Et surtout, il est torse nu, les cheveux en bataille. « J'ai mis la cuisine dans un état pas possible, parce que je me suis mis en tête de faire trente choses à la fois, alors que je ne suis pas une fille, mais je suis hyperactif tu vois, donc c'est... Enfin, tu me comprends. Je dis ça, on dirait qu'on est une espèce à part. » Elle accompagne son rire nerveux d’une hilarité véritable, tant son ami est ridicule ainsi. Elle rit d’autant plus qu’elle connait parfaitement cette situation, où l’ennui l’emporte sur la raison, et où tout finit par sauter. « C'est peut-être le cas en fait, on est encore plus cons que la normale. Enfin, moi en tout cas, je ne voudrais que tu t'imagines que j'ai des doutes sur l'efficacité des tes neurones. Désolé, je n'arrête pas de parler, entre. » Elle se glisse derrière lui et ne peut s’empêcher en passant d’enfoncer un de ses longs doigts dans son nombril nu. « On est définitivement plus cons que la normale. »
« Euh... Je suis en train de cuisiner. Mets-toi topless si tu veux, je me sentirai moins seul. Bref, tu connais les lieux, tu peux m'attendre sur le canapé, j'arrive dans cinq minutes. » « Bien-sûr. » lui répond-elle avec un sourire amusé et sarcastique. Elle juge l’état de la cuisine d’un coup d’œil en suivant Shiloh à l’intérieur. Bon Dieu. Une casserole renversée laisse couler son eau quasi-bouillante sur le carrelage, où gise un t-shirt vert d’eau détrempé – celui qui a recouvert le torse de Shiloh avant la catastrophe probablement. Une légère fumée brune s’échappe du four qui ronronne étrangement. Le tout est dominé par une prenante odeur de brûlé qui racle âprement ses sinus sensibles. Elle souffle, sidérée. « Putain. »
Suivant le conseil de son ami, bien que pliée en deux devant la vue de ce cataclysme, elle ôte son pull de laine en grosses mailles et se retrouve en sous-vêtements à son tour. Elle le dépose sur une chaise qui avait miraculeusement échappé au ravage et rejoint joyeusement Shiloh en retenant ses boucles rousses en un lâche chignon sur le sommet de son crâne. « Bon ! C’était quoi à la base, tout ça ? On va voir ce qu’on peut faire hein. Oh et… » Sixtine retourne auprès du sac qu’elle a laissé à l’entrée et en tire une bouteille. Il s’agit du meilleur whisky qu’elle ait pu trouver chez les rares revendeurs d’alcool de cette ville minuscule. Elle a recherché un bel ambre, vieilli en fût dans quelques caves d’Écosse, mais elle n’a pu trouver qu’une grande marque bon marché qui, elle l’espère, ferait l’affaire. Elle servit deux verres, faisant fit des convenances, et tendit le sien à Shiloh. « Tiens. Cul sec vieux ! »
Dernière édition par Sixtine Billie-J. O'Brien le Dim 12 Aoû - 14:05, édité 1 fois
1 lg. ripe peach, 1 oz. lime or lemon juice, 3 oz. white or dark rum
Les couleurs. Ce sont les rares choses dont je peux me rappeler, avec évidemment les chansons des Red Hot Chili Peppers. Si vous me parlez d'un lieu, habitation, musée, cabinet, peu importe, où je suis allée durant mon enfance ou même récemment, il y a peu de chances qu'il ait marqué mon esprit et que je puisse vous dire quoi que ce soit sur lui. Les seules informations que mon cerveau parvient à conserver : ce sont les couleurs et les musiques des Red Hot. Sauf que dans le cabinet du pédopsychiatre, il n'y avait qu'une mélodie d'ambiance sans paroles, simplement pour dire de combler les blancs, et les seuls éléments qui ont donc pu me marquer sont les diverses nuances de blanc qui habillaient les lieux. Épatant, je peux vous l'assurer. A cinq ans je ne connaissais pas encore les noms de ces différentes teintes, mais je voyais bien que le décorateur s'était donné du mal pour créer une atmosphère paisible en associant le tout avec, je n'en doutais pas, des calculs scientifiques particulièrement complexes. Pour tout vous dire, je connais désormais les noms de ces nuances, mais je ne sais toujours pas les associer au bon degré de couleur. Par exemple, coquille d'oeuf, est-ce le plus jaunâtre, ou peut-être le rosé ? Sans doute pas le bleuté, il s'agit certainement du lunaire. Quoiqu'il y ait aussi argile qui, si mes souvenirs sont bons, n'a pas la teinte qu'on pourrait attendre de lui. J'avais du travailler sur les nuances pour un projet d'art plastique à l'école, et le professeur m'avait attribué la couleur blanche, qui ne me correspondait évidemment pas. Mais qu'importe, j'avais fait mon travail, et dix jours plus tard je confondais tout de nouveau. Bref, je digresse, je digresse, mais je parlais du cabinet de mon pédopsychiatre. Il était donc blanc, mais il y avait des touches de couleur par-ci par-là, pour attirer le regard et divertir, spécialement crées à mon attention semblait-il. Je me rappelle des jeux aux teintes criardes dans un coin de la pièce, et du bouquet de fleurs aux coloris plus doux, sur le bureau. A moins que ce ne fut sur l'étagère, je serai bien incapable de m'en rappeler avec précision. Je ne garde que très peu de souvenirs de cet entretien. C'est à peine si je suis capable de me remémorer le visage de notre interlocutrice, ou peut-être était-ce un interlocuteur ? Quoiqu'il en soit, j'avais cinq ans, j'étais un polisson selon mon grand-père, une fripouille pour ma tante, une crapule à en croire mon père, et un sale gosse du point de vue de Rachel, quand elle était de bonne humeur et évitait de se montrer trop vulgaire.
On a diagnostiqué ce jour-là mon hyperactivité. Je serais bien incapable de vous décrire l'expression de ma mère, mais je crois qu'elle a hésité entre le soulagement et l'appréhension. Soulagement, parce qu'au moins je n'était pas un futur malade mental, psychopathe, ou quoique ce soit de dangereux. Appréhension, parce que donner ses médicaments à un gosse hyperactif, ça n'allait pas être aisé. Mais il me semble que la pédopsychiatre a été très gentille avec elle, l'a rassuré, tout ça, alors que maman me tenait fermement par le bras pour m'empêcher de quitter ma chaise. J'y suis retourné plusieurs fois suite à ce premier rendez-vous. De nombreuses fois pour tout dire. Maintenant, je me contente d'un simple psychologue, et les rencontres sont plutôt espacées. De toute manière, que puis-je bien lui dire à ce pauvre homme ? Je lui raconte ma vie, fais des blagues, il rit, me parle de lui, et j'ai plus l'impression d'être avec un pote de mes parents qu'avec un psy. Je ne sais pas si Sixtine en voit un. Je l'aime bien celle-là. Avant elle, je n'avais connu qu'un seul autre hyperactif, en maternelle. Il n'était pas dans ma classe, mais on était copains de récré. Sixte aussi est un peu ma copine de récré au fond. On n'a pas besoin de se contenir elle et moi. Bon, il est vrai que je ne me contiens pas avec grand monde mais... c'est différent. Elle comprend que je ne puisse pas tenir en place cinq secondes, elle sait trouver des idées pour que l'on s'occupe, rarement intelligemment. Joe aussi me comprenait, mais elle avait besoin que l'on se pose de temps en temps. Et je le faisais, parce que je pouvais faire n'importe quoi pour elle. Ça me calmait au fond. Mais en ce moment, je n'ai pas tout à fait envie de m'apaiser ou quoique ce soit. Et surtout, surtout, je ne veux pas penser à Joanna.
Un intrus violant l'innocence et la pureté de mon corps me tire de mes pensées. Je baisse les yeux, surpris, et découvre que l'indésirable est en vérité le doigt de Sixtine qui me titille le nombril. Titiller. Je ne pensais pas utiliser un jour un mot aussi ridicule. Voilà qui est fait. J'esquisse un demi-sourire, alors qu'elle déclare sur un ton de vérité générale : « On est définitivement plus cons que la normale. » Mon sourire s'étire, alors que je lui explique qu'elle ferait mieux de patienter dans la cuisine pendant que je règle mes... problèmes. Je ne doute pas de sa réponse. Demander à un hyperactif d'attendre tranquillement pendant qu'un autre s'active, c'est un peu comme... demander à un fêtard de boire du jus de fruits pendant que tous ses amis s'enfilent trois bouteilles chacun. « Bien-sûr. » me répond-t-elle comme je m'y attendais, avec le sourire qui va avec. Je retourne dans la cuisine, la petite rousse sur mes pas, et exprime tranquillement le fond de ma pensée. « Comme tu voudras, mais sache que tu t'engages à arranger ce désastre avec moi ! » Nous pénétrons dans l'antre du Diable, et elle lâche évidemment la seule chose qui parvient à franchir les lèvres dans une situation pareille : un juron. Elle rit, et je lui adresse derechef un sourire. Voilà qu'elle retire son pull. Mignon, le soutien-gorge. Mais plutôt que la complimenter sur son choix de dessous, je préfère signaler un autre détail. « Dis-moi chérie, il y a quelque chose que tu ne comprends pas dans "topless" ? » me moqué-je en désignant du menton les bouts de tissus qui couvrent encore sa poitrine. « Mais bon je te pardonne, vu que ça part d'une bonne intention. J'ai bien compris que tu ne veux pas terrasser Jonah d'une crise cardiaque s'il se pointe et te voit seins nus. » Elle s'approche d'un pas enjoué et relève ses mèches colorées en un chignon instable. Elle me fait penser à Maiah, toujours souriante, amusée de tout et de rien, agréable à vivre.
Joanna était elle... Non, non, non Shiloh, ne repars pas sur le sujet Joe. Tu es avec Sixtine là, tu vas t'amuser avec Sixtine, rire avec Sixtine, boire avec Sixtine, profiter de cette soirée avec Sixtine, et il est hors de question que Joe vienne gâcher cette soirée. Je baisse les yeux vers le soutien-gorge de mon amie, me demandant laquelle des deux le remplit le mieux. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur cette question tout particulièrement philosophique, car la jolie rousse, qui il me semble gagnerait le match, a repris la parole. « Bon ! C’était quoi à la base, tout ça ? On va voir ce qu’on peut faire hein. Oh et… » Avant que j'ai eu le temps de m'expliquer, elle repart chercher son sac, et me montre fièrement le contenu, à savoir du Whisky. Un sourire éclaire mon visage, alors qu'elle remplit deux verres que j'avais laissé sur la table, et déclare solennellement « Tiens. Cul sec vieux ! » Je saisis le récipient qu'elle me tend et obéis tel un gentil petit garçon. Voilà qui fait du bien. Un petit remontant, exactement ce qu'il me fallait. Je saisis la bouteille de ma main libre, et la lève vers les yeux, adoptant l'air du connaisseur qui a trouvé un alcool de qualité, alors que je n'y connais strictement rien. Moi, je bois tout ce qui me passe sous la main, je ne suis pas très difficile. « Pas mal, pas mal. Tu m'as l'air plus douée que moi pour dénicher les bonnes bouteilles. Ça vient d'Ecosse ? » interrogé-je, mes maigres connaissances sur le sujet me permettant tout de même de connaître la bonne réputation de son pays d'origine pour ce qui est des Whisky. « Je voulais un alcool qui aille bien avec les tapas, mais je ne sais pas comment s'appellent les vins espagnols. En fait, je ne sais même pas si ça existe des vins espagnols. Alors j'ai fait du daiquiri à la pêche, parce que tout le monde aime le daiquiri à la pêche. Faudra voir si on a autre chose à la cave, lorsqu'on aura fini ton whisky, ce qui ne devrait pas tarder. » achevé-je avec un sourire moqueur.
Je me tourne vers le four et les brûleurs, et prends soudainement conscience que je n'ai rien éteint. Je me précipite donc en direction de la source des odeurs pestilentielles qui envahissent la cuisine, glisse au passage sur de l'eau venue d'on ne sait trop où, rattrape ma cascade de manière tout à fait admirable, et parvient à tourner les divers boutons de la gazinière de manière à mettre fin aux risques d'incendie. Voilà qui est fait. Je soupire. « Voyons le bon côté des choses, je ne dois plus chercher à accorder l'alcool avec les goûts très diversifiés de mes tapas, puisqu'il n'en reste plus grand chose. » Je m'assois sur le plan de travail, regarde à ma gauche, découvre un plat sur lequel quelques survivantes apparemment cuites me font de l'oeil, et en goûte une. Son contenu reste dans la catégorie non-identifiée, mais ce n'est pas mauvais. « Sinon, ça va bien ? » je demande tranquillement, comme si nous étions sur le canapé en train de commencer notre soirée. Je lui tends le plat pour qu'elle puisse grignoter quelque chose, et l'interroge du regard, attendant sa réponse.