• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? depuis tout petit, je rêve de faire comme mes parents. enfin presque. mes parents sont deux reporters très connus pour leurs reportages sur les animaux extrêmement rares, ce qui m'a fait parcourir le globe entier pendant toutes mon enfance. j'ai toujours aimé l'aventure et le scoop en général, si bien que je veux faire comme eux, mais sans me déplacer tous les deux jours d'un pays à un autre. alors journaliste pour une grande chaîne de télévision ou pour un journal connu est plus à ma portée, mais c'est grâce à mes parents que je sais ce que je veux faire de ma vie.

• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? Je suis incapable de raconter LE souvenir le plus heureux de ma vie. Pourquoi? Parce que toute mon enfance, du moins jusqu'à ce que je sois en âge d'aller au lycée, avec ma soeur jumelle Elyon et mes parents aux quatre coins de la planète a été juste magique. Rares sont les gens ayant eu cette opportunité et j'ai appris tellement plus qu'à l'école. Sauf peut-être au niveau social mais bon. Quoique, j'ai rencontré des personnes et vu des espèces animales que peu de gens ont la chance de rencontrer ou voir dans toute une vie. Même qu'à un moment, j'en faisais partie de ces espèces rares que les scientifiques s'acharnent à démasquer ces derniers temps d'ailleurs.

• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? cette idée stupide d'avoir sauté dans l'eau bouillante un soir de pleine lune, dans une des îles où il est possible de devenir sirène ou triton. La première fois ou la seconde fois, je n'ai pas encore réussi à me décider entre "éviter de me transformer en triton" ou "éviter de redevenir humain". Je ne sais pas, je ne sais plus et je suis complètement perdu.

• Une seule goutte d'eau, et le compte à rebours est entamé : comment faites-vous pour dissimuler votre nature de sirène/triton à vos proches ? ah les fameuses dix secondes avant la transformation. Quand je me recevais une goutte d'eau par inadvertance, je courrais comme un dératé dans les toilettes les plus proches, à attendre patiemment que je sèche. Des fois, ça ne se passait pas comme prévu mais Ellie était là pour m'aider à me cacher car oui, elle était au courant. Quelquefois même, elle m'a ramené de grosses chaussures et des vêtements en attendant, puisqu'un triton n'a pas de queue mais des palmes. Seulement, j'avais interdiction de bouger de l'endroit où j'étais assis et j'avais bien l'air stupide tout seul dans le salon, alors que les autres se fichaient de moi et s'amusaient. C'était entre autres dans ses moments-là que je regrettais ma nature surnaturelle...

• Sentir les écailles remplacer votre épiderme, les nageoires se fondre sur vos pieds, l'eau vous caresser doucement... Quel est pour vous la plus belle chose dans le fait d'être un triton ? J'ai toujours adoré l'eau et la nature en général alors nager avec les dauphins était quelque chose de spectaculaire. Et puis dans l'eau, personne ne nous juge. On peut s'évader, se vider l'esprit et goûter à quelques heures de quiétude avant de rentrer et d'affronter les petits et les gros problèmes qui nous tracassent un peu trop. Et croyez moi, étant quelqu'un d'assez anxieux qui se pose trop de questions, ces moments-là me faisaient le plus grand bien.

• Calepins en main, appareils de mesure complexes... Que pensez-vous de la horde de scientifiques qui se penchent un peu plus sur les phénomènes étranges se passant à Cooktown et entourant votre existence de sirène/triton ? Je n'aime pas énormément tous ces scientifiques qui traquent les personnes qu'ils suspectent comme étant des sirènes ou des tritons. Sûrement parce que j'ai été traqué par l'un d'eux et que c'est à cause de lui que j'ai dû sauter dans la moonpool de Mako un soir de pleine lune, sans imaginer que c'était pile le soir où il ne fallait pas y plonger sous peine de perdre ses pouvoirs. Car je savais que j'allais perdre momentanément mes écailles, mais pas définitivement... Mais au moins, ce scientifique m'a laissé tranquille lorsque le lendemain il m'a aspergé d'eau et a vu que je ne me transformais pas.

• Vivant dans une petite ville côtière, aimez-vous aller nager ou profiter des plages de Cooktown ? j'ai toujours aimé l'eau et la natation mais depuis peu, je me suis mis au surf. Parce que mine de rien, ça me manque de nager avec les poissons alors il faut bien que je me trouve une nouvelle occupation. Sauf si je décide de redevenir... Non. Je ne sais pas. Bref, oui je profite de la plage et je commence à savoir tenir sur un surf, un exploit !

• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? il y a encore pas si longtemps que ça, j'étais un phénomène surnaturel alors...

Je m'appelle Eliott Zachary Fitch et je suis né deux minutes avant ma soeur jumelle Elyon Valentine Fitch. Pourquoi ce détail? Parce que tel que je la connais, elle prétendra le contraire. Ellie déteste être la plus petite de nous deux et déteste aussi que je lui rappelle. Mais là n'est pas la question.
Si mon nom de famille vous dit quelque chose, c'est tout à fait normal. Mes parents, Carole et Hemingway Fitch, sont deux reporters animaliers ultra célèbres à l'heure actuelle. Ils parcourent les quatre coins du globe pour présenter, chaque semaine, une espèce rare et/ou en voie de disparition. Et c'est grâce à (ou à cause de, tout dépend du point de vue que l'on a sur la question) leur job qu'Elyon et moi n'avons pas eu de maison fixe pendant les seize premières années de notre vie. Pour vous faire comprendre un peu la situation : vous voyez le dessin animé « La famille Delajungle » ? Bah la base, c'est notre famille. Même si on avait pas de singe, personne ne savait parler aux animaux et on était que deux enfants. Puis mes parents ne ressemblent pas vraiment aux parents de Deb et d'Eliza. Bref, vous voyez le topo.

Ma ville de naissance est Perth, en Australie et ce n'est pas par hasard. En effet, mon père étant australien (ma mère est franco-australienne mais avait plutôt vécu en France qu'en Australie, c'est d'ailleurs pour cette raison que je suis bilingue français-anglais), il a acheté ce pied-à-terre pour avoir un endroit où rentrer si tout devait s'arrêter. Ou si une naissance se faisait attendre. En effet, au bout des cinq mois de grossesse de ma mère, mes parents ont pris un congés jusqu'à ce qu'Ellie et moi arrivions au monde. Normal après tout, les femmes enceintes n'étaient plus tolérées dans l'avion à partir d'un certain mois de grossesse et je voyais assez mal ma mère crapahuter dans la jungle ou dans la montagne dans son état.
Ma soeur et moi avons donc vécu à Perth jusqu'à nos deux ans, avant de partir avec nos parents sur les routes, montagnes et j'en passe. Pendant un temps, nos parents présentaient les reportages chacun leur tour : l'un s'occupait du reportage, l'autre s'occupait de nous nourrir et de nous empêcher de nous disperser. Vers l'âge de 5 ans, ils présentaient à nouveau ensemble leurs émissions, nous enfermant dans le van avec de quoi nous occuper. Cette expérience nous forgea un peu, même si vers nos 8-9 ans, on essayait déjà de s'échapper et d'aller explorer les alentours, petits aventuriers que nous étions Elyon et moi. Seulement, ne croyez pas qu'on ne faisait rien de nos journées à part dormir et nous balader. On avait aussi le droit à des cours. Par correspondance. Et on s'en sortait plutôt pas mal. J'avais souvent de meilleurs résultats qu'Ellie mais on a découvert quelques années plus tard, peu de temps avant que j'arrive à Cooktown, que j'étais surdoué. Mais ce n'est pas encore le moment de raconter cette partie, j'y viendrai plus tard.
Les années « aventures » se sont succédées de façon rapide. On grandissait à vu d'oeil et on s'entendait comme deux frère et soeur unis. Toujours sur la même longueur d'onde, prêts à faire des bêtises ou à partir à l'aventure quand on voulait. Ils nous arrivaient de nous disputer, encore aujourd'hui d'ailleurs, mais on était unis et même si on avait que l'un l'autre en « ado de notre âge » on se suffisait pour l'instant.
A 14 ans, on avait déjà parcouru une vingtaine de pays dans leur quasi globalité, vu environ 300 espèces d'animaux rares et rencontré pas mal de populations indigènes. On était aussi bilingue français-anglais mais on restait tout de même civilisé, avec une télévision qui captait le satellite et internet via satellite aussi pour les cours par correspondance. Seulement, un événement vint bouleverser notre quotidien d'aventuriers à Elyon et à moi.

2004, Argentine. Île Montagu. Mes parents recherchaient une espèce ultra rare dont je ne me souviens plus vraiment du nom et un local leur avait dit qu'ils trouveraient leur bonheur sur cette île. Qui était en réalité un volcan encore en activité. Les parents avaient loué un bateau et avaient mis les voiles pour cette île magnifique de loin, nous sommant de ne pas venir avec eux. Mais ils étaient revenus rapidement bredouille et complètement déçus de ne pas avoir trouvé leur perle rare. On devait alors mettre les voiles le lendemain pour suivre une autre piste. Seulement, lorsque la nuit fut tombée et les parents profondément endormis, Elyon me convainquit d'aller faire un tour sur cette île, empruntant le bateau à rames que les parents rendraient avant notre départ. Je vous avoue qu'à quatorze ans, partir comme ça prendre un bateau était pure folie à cette heure-ci pour aller sur l'île Montagu mais on n'en avait rien à faire, on avait vécu tant de choses et on était des aventuriers. Rien ne nous arrêterait.
On est arrivés sur l'île et plus précisément dans la moonpool de l'île environ dix minutes avant que la pleine lune débarque au-dessus du cratère de la moonpool. En fin de compte, l'île volcanique n'était pas très grande et seule la moonpool était LA chose à voir. On en prenait plein les yeux mais alors qu'Elyon voulait rentrer, je décidais de prendre un bain de minuit. J'essayais de la convaincre désespérément de venir me rejoindre quand l'eau commença à bouillonner. Elyon flippa tandis que je ne pouvais pas bouger. C'était étrange, la lumière lunaire provoquait ce bouillonnement et j'étais comme figé mais toujours à la surface. Le phénomène ne dura pas très longtemps et nous partîmes directement après ça direction nos lits, encore trop sous le choc pour en parler mais en jurant que les parents ne sauraient jamais de notre escapade nocturne. Comme d'habitude avec toutes nos escapades mais là, encore moins.
Le lendemain, les parents décidèrent de se donner une autre chance pour trouver leur espèce ultra rare et nous laissa, face à l'eau et avec le van. Pour nous occuper, après avoir éviter le sujet de la veille, Elyon voulut commencer une bataille d'eau. Et dix secondes après que je me sois reçu de l'eau, j'avais troqué mes vêtements contre des écailles dans le dos et des palmes à la place des pieds. J'étais devenu un triton et Elyon ferait partie de toute cette histoire, un secret qu'elle devrait alors protéger autant que moi désormais.

Pendant environ un an et demi, je découvris que j'avais un pouvoir et comment l'utiliser : je pouvais modéliser l'eau, sa forme et sa vitesse. Je découvris aussi que la pleine lune m'était néfaste et il ne fallait pas que je la regarde pour ne pas être affecté. Elyon, pour m'aider à ne pas révéler ma nouvelle nature à mes parents, prenaient mes tours de vaisselle ou me prévenait si je risquais de marcher dans une flaque. Elle faisait aussi en sorte de m'empêcher de regarder la Lune les soirs de pleine lune en me faisant généralement regarder un film ou en me forçant à aller me coucher tôt, tout en me plongeant dans le noir intégral de la cabine qui nous servait de chambre.
Nos escapades étaient moins fréquentes mais lorsqu'il y avait un lac et que nous nous retrouvions seuls, Elyon insistait pour calculer combien de temps je pouvais rester en apnée. On avait trouvé en quelque sorte d'autres occupations. Jusqu'à ce que nos parents, à l'aube de nos seize ans et sûrement sous la pression de notre grand-mère qui n'était pas forcément fan de notre train de vie, décident qu'ils étaient temps pour nous de traîner avec des jeunes de notre âge et d'aller finir notre scolarité au lycée, à Cooktown. Donc de retour en Australie. Pas super le timing quand on devient un triton, avec un secret à cacher aux autres et à devoir se dire qu'il va falloir être social et qu'on ne sera plus forcément Elyon et Eliott, les deux aventuriers.
Les « au revoir » furent difficiles tandis qu'on savait qu'on ne reverrait pas nos parents avant Noël mais une chose m'inquiétait encore plus : mon secret. Cooktown étant une ville au bord de la mer, plutôt ensoleillée toute l'année, comment allais-je faire pour éviter tout ce qui était composé d'eau? Comment allais-je cacher à ma grand mère ma nature? Car même si Ellie m'avait promis qu'elle serait toujours là, je sais qu'on ne sera pas collés tout le temps. Qu'elle s’intégrera superbement aux autres adolescents alors que je ne pourrais pas complètement. Parce que j'étais un surdoué, parce que je devais éviter les piscines et la mer, parce que j'étais différent.
C'était la première fois de ma vie où je me détestais, rêvant de redevenir humain et pouvoir profiter de mon statut d'adolescent comme ma soeur. Être moi-même mais pas qu'avec des créatures marines. Certes, j'avais un pouvoir top qui en ferait jalouser plus d'un mais je n'arrivais pas à m'intégrer comme elle. Pendant nos trois années au lycée, Ellie fit partie des filles populaires alors que j'étais son boulet de frère, avec peu d'amis et solitaire. ma grand_mère mit ça sur le compte de la crise d'adolescence tandis que ma soeur ne savait pas quoi faire pour moi. Elle me défendait à chaque fois, me faisait inviter aux soirées auxquelles elle était elle-même invité (car ils ne me considéraient pas comme foncièrement méchant, juste... solitaire et intelligent) mais je restais dans mon coin lorsque c'était des « pool parties ».

Seulement, un jour alors que je nageais aux larges de Cooktown, je découvris l'île de Mako et quelques sirènes du coin. D'autres personnes comme moi, qui m'ont permis de m'accepter vraiment dans ce milieu, de ne plus avoir cette image de solitaire qui me collait à la peau mais d'être qui je suis réellement (le farceur, un peu gaffeur et bout en train que tout le monde connait) et me faire comprendre que je pouvais vivre quasiment comme tout le monde. Le lycée était fini, je rentrais à l'université pour étudier le journalisme et j'arrivais enfin à accepter ce que j'étais tout en ayant une vie sociale quand les scientifiques ont débarqué et ont commencé à nous traquer. Ils voulaient et veulent toujours découvrir si les sirènes et tritons sont des mythes ou la réalité. Ils ont remarqué des chiffres anormaux du côté de Cooktown et ne vont pas laisser tomber tant qu'ils n'auront pas quelque chose pour confirmer leur théorie.

Et là, les problèmes ont commencé.

Il y a environ un an, j'ai commis l'imprudence de passer à toute vitesse devant un groupe de touristes en initiation à la plongée sous-marine. Seulement, certains prenaient des photos en rafale avec leur appareil waterproof. Et lorsqu'ils remontèrent à la surface, ils furent assez étonnés de voir ma tête en gros plan sur l'un des clichés sans masque ni bouteille à oxygène. Une chance pour moi, on ne voyait que ma tête et donc aucune partie "triton". Cela aurait pu s'arrêter là si un scientifique n'était pas passé près de ce groupe de touriste et n'avait pas vu le cliché dont ils n'arrêtaient pas de parler. Curieux de nature et entendant les témoignages des touristes, il n'en fut que plus intrigué. Et encore plus lorsqu'il me vit en chair et en os me balader dans Cooktown.
Le scientifique rassembla alors une petite équipe pour m'approcher tout d'abord de façon subtile puis en insistant de plus en plus. J'avais l'impression que chaque jour qui passait, ils s'approchaient du but en m'observant. Les autres me conseillaient de les envoyer brouter mais je n'avais aucun moyen.
Puis vers Octobre, quelques jours avant la Pleine Lune du 12 octobre, on me donna une solution qui fonctionnait : perdre mes pouvoirs temporairement, l'histoire de deux jours pour que les scientifiques me laissent tranquille. Tout ce que j'avais à faire, c'était de me baigner dans la moonpool de Mako le 12 octobre au moment de l'éclairage lunaire de la moonpool via le cratère de l'île. Un jeu d'enfant, il ne me fallait juste pas regarder la Pleine Lune. J'avais donc décidé de camper à Mako toute la journée. Ellie m'avait tenu compagnie, comme elle l'aurait fait avant, pour me prouver peut-être qu'on était malgré tout toujours unis, même si on avait pas les mêmes amis et qu'elle était heureuse en amour, alors que moi, ce n'était pas vraiment ça. Elle me laissa une ou deux heures avant le moment fatidique, me répétant qu'elle viendrait me chercher avec le bateau de notre grand-mère puisque je ne pourrais pas rentrer seul, sans me transformer en triton.
Tout c'était bien déroulé, j'avais sauté au moment qu'il fallait et j'étais un simple humain dans l'eau lorsqu'Ellie me repêcha. Le lendemain, comme on l'avait prévu, les scientifiques m'aspergèrent d'eau pour prouver leur théorie mais furent confrontés uniquement à Eliott, un simple jeune homme de 21 ans sans pouvoirs.
Seulement, et ce que personne n'avait remarqué, cette pleine lune du 12 octobre n'était pas comme les autres pleines lunes où la ruse fonctionnait. Cette pleine lune-là était différente, et tout le monde l'a remarqué lorsqu'au bout d'une semaine, je n'avais toujours pas récupéré mes pouvoirs de triton ni mes pieds palmés.Et ce fut après quelques recherches sur internet que je compris la raison. Le 12 octobre 2011 s'était produit un événement spécial. Un alignement de la Lune avec les planètes qui n'arrive qu'une seule fois tous les 50 ans et qui, selon une vieille légende australienne, faisait perdre tous leurs pouvoirs aux créatures surnaturelles de l'eau avec une queue. Autrement dit, une sirène. Et même si sa transformation ne s'est pas faite à cet endroit.
En lisant cette légende, je devais me rendre à l'évidence : j'étais redevenu humain. Et je ne savais pas comment réagir.

Pendant mes trois années de lycée, tout ce que j'espérais était de ne pas avoir ces pouvoirs, d'être quelqu'un de normal. De me baigner comme bon me semble dans une piscine ou de ne pas avoir peur d'une simple gouttelette d'eau. De pouvoir être avec ma soeur jumelle qui me manquait terriblement et a qui tout réussissait. De pouvoir être avec quelqu'un pour de vrai et que je ne devais pas fuir comme de la peste à cause de ce que j'étais. Sauf que là, c'était tombé par hasard. J'avais annoncé la nouvelle aux autres, qui ne comprenaient pas comment une chose pareille avait pu m'arriver et qui étaient désolés pour moi. Ils me disaient « de toute façon, si tu veux redevenir comme tu étais, tu peux toujours attendre le mois de novembre et plonger dans la moonpool de Mako. Tes écailles seront seulement d'une autre couleur et tu n'auras pas le même pouvoir. » Oui mais moi, je m'étais habitué en six ans et demi à mon pouvoir, que je maîtrisais comme personne d'autre, et à mes écailles bleues nuit qui me rappelaient l'Argentine et ma vie d'avant. Seulement d'un autre côté, je pouvais être à nouveau un jeune étudiant en journalisme normal, qui pouvait s'adonner aux sports aquatiques qui lui étaient interdits jusque là. Si je voulais m'essayer au surf, je le pouvais. Si je voulais simplement faire de la natation dans une piscine, je le pouvais aussi. Si je voulais sortir avec quelqu'un... Je pouvais.
Et sans m'en rendre compte, à profiter de ma vie de jeune homme normal, les mois passèrent et je ratais toutes les pleines lunes. Mes amis sirènes ne me disaient rien et pouvaient comprendre ma phase mais ils redoutaient la phase suivante qui était celle du choix. Mais en attendant, je profitais de ma vie, restant toujours le même Eliott qu'ils avaient tous, sirènes et humains, connus mais en me lâchant un peu plus. Je sortis avec une fille qui me plaisait pendant quelques mois, avant qu'elle décide de changer du tac au tac et de me rendre fou et je commençais à mieux me tenir sur une planche de surf.
Mais alors que le mois d'avril arrivait et que les scientifiques faisaient de plus en plus frémir les écailles de mes amis poissons, la réalité me frappa. A me distraire autant, j'en avais oublié ce que ça faisait de parler aux dauphins et de pouvoir rester longtemps en apnée. J'avais oublié que les gens que fréquentaient ma soeur n'étaient pas comme moi, que j'étais toujours le même gars un peu différent à leurs yeux. Et qu'en fin de compte, mon côté aventurier voulait ressentir l'adrénaline d'antan. Qu'en fin de compte, ça me manquait d'être un triton.
Ce fut à ce moment-là que je décidais de postuler pour travailler à la marina. Retrouver ce contact avec les dauphins que j'avais autrefois. Pour me décider à redevenir un triton à la prochaine lune peut-être. Ou alors me faire comprendre qu'il valait mieux que je reste ainsi, le temps que les scientifiques déguerpissent. Car oui, eux aussi me faisaient peur. Et si je redevenais triton, et qu'ils le découvrent, j'allais à nouveau être leur proie numéro. Ils m'avaient laissé tranquilles à l'instant où ils m'ont vu commencer le surf. Mais si tout d'un coup, je reprenais mes anciennes habitudes, ils le remarqueraient, non?

De plus, Elyon venait de décider de partir faire ses études à Sydney car Cooktown n'avait rien à lui offrir pour sa spécialité. Je restais donc seul avec ma grand-mère à Cooktown, à vouloir empêcher les scientifiques de s'en prendre à mes amis tout en leur faisant oublier mon existence.

Là voilà cette phase de choix qu'ils redoutaient. J'étais un ancien triton, qui avaient perdu ses pouvoirs parce qu'il voulait échapper aux scientifiques. Si ça n'avait été que temporaire, je n'aurais pas eu le temps de m'habituer à cette vie d'humain. Mais aujourd'hui, la donne avait changé. Et je ne savais plus quoi faire. Rester humain ou redevenir triton? La seule chose dont j'étais certain était qu'il fallait déjouer les plans des scientifiques, les emmener ailleurs. Et c'est ce que je m'efforce à faire depuis. Repoussant l'heure du choix définitif, essayant de cacher par les blagues et le sourire ce désarroi qui me ronge. Si quelqu'un pouvait m'aider à faire ce choix, cela m'arrangerait fortement... Et quelqu'un qui ne soit pas un dauphin très joueur avec moi et qui adore me voir à la marina, évidemment.

Oh et ne vous inquiétez pas, je vais bien. Je suis toujours le même, toujours intelligent qui réussi, toujours aussi trublion avec mes blagues pourries et toujours célibataire. Le conflit intérieur, peu de gens le savent car je le cache plutôt bien.