• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? tu t'es arrêtée net, coupée dans ton élan par cette chose. tu as abandonné tous projets d'avenir, figée dans ton présent désastreux, qui t'effraie et t'empêche d'avancer. le futur ne t'intéresse pas, s'il ne t'offre pas la possibilité de revenir à des jours meilleurs, à ces jours bénis où tu ne craignais rien ni personne, où la vue d'une goutte d'eau ne te rendait pas folle. perspective d'avenir brouillées, inexistantes, tu te contente de vivre ton présent comme s'il n'y aurait jamais de lendemain heureux.
• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? tu as beau fouiller ta mémoire, la ratisser comme il se doit à la recherche d'un souvenir heureux, d'une anecdote joyeuse, seuls les années passées auprès de Wolf te viennent à l'esprit. tu n'évoquerais pas un jour précis, plutôt une période toute entière, de longues, longues années à ses côtés, à écouter sa respiration, à caresser son visage et sa peau pâle, à embrasser ses lèvres douces, tandis que ses mains passaient dans tes cheveux, délicatement, comme si tu étais un objet fragile qu'il eu peur de briser à tout instant. tu n'as rien de plus heureux et de plus précieux.
• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? tu vis dans l'idée qu'on ne change pas son passé, qu'il fait parti intégrante de la personne que l'on est. on vit avec, on le traîne comme un boulet et on compose avec. mais le changer, cela est impossible. ceci étant dit, si on t'offrais un jour la possibilité de rendre ton passé différent, tu n'irais sûrement pas te promener sur cette île grecque, au clair de lune. tu trouvais cela si beau, pourtant, mais le nez en l'air, tu n'avais pas vu la pierre branlante sur laquelle tu devais poser le pied et qui devais te faire plonger dans l'eau bouillonnante du bassin volcanique.

• Une seule goutte d'eau, et le compte à rebours est entamé : comment faites-vous pour dissimuler votre nature de sirène/triton à vos proches ? il va de soi que, dégoûtée par ta propre nature contre-nature tu t'arranges constamment pour ne pas être mise en contact avec de l'eau. mais quand cela arrive, tu cours t'enfermer dans l'endroit clos le plus proche. jamais tu ne laisseras quelqu'un te voir ainsi, alors que tu es si horrible, si immonde et détestable. surtout lui, il ne doit jamais te voir. jamais.
• Sentir les écailles remplacer votre épiderme, les nageoires se fondre sur vos pieds, l'eau vous caresser doucement... Quel est pour vous la plus belle chose dans le fait d'être une sirène/un triton ? il n'y a rien de magique, rien de beau dans cette transformation dégueulasse. même en cherchant bien, rien ne t'enchante, rien ne brille devant tes yeux. tout te paraît fade, idiot, inutile. il aurait fallu que tes parents t'abreuvent de fables sur ces bestioles quand tu étais petite pour que tu puisse t'émerveiller de voir tes jambes remplacées par une longue queue de poisson. et s'ils l'ont fait, tu n'y as jamais accordé de crédit, petite fille désillusionnée.

Petite fille abandonnée, ignorée, délaissée, combien de nuits as-tu passées à hurler son prénom dans tes rêves, combien de fois t'es-tu effondrée en larmes, priant tous les dieux de t'offrir encore une fois, une ultime fois son visage ? Tu ne comptes plus les nuits blanches, tu ne comptes plus les jours passés loin de lui, loin de ses yeux et loin de ses bras protecteurs. Tu n'es plus rien, petite fille incendiée, petite fille brûlée, petite étincelle de vie qui doucement s'éteint, tu restes en cendres, tu t'évapores, évanescente sous les assauts du vent australien. Il ne reste rien de toi, de la douce que tu étais autrefois. Rien qu'un passé mort. Chaque jour, tu te regardes. Tu t'observes. Tu détailles dans le miroir le visage de cette fille blonde, tu cherches dans ses yeux bleus les restes d'un passé qui t'obsède, un passé heureux. Il n'en reste aucune trace, pas l'ombre d'un souvenir. Passé inexistant, présent insignifiant, futur effrayant. Tu n'es rien Storm. Rien du tout, rien qu'une petite fille idiote qu'on écarte du dos de la main, comme un insecte dérangeant. Je ne suis rien. Je suis morte à tes yeux froids. Peut-être n'ai-je jamais réellement compté, après tout. Oui, peut-être n'as-tu jamais eu d'importance pour lui, peut-être que ses baisers étaient faux, peut-être ses caresses étaient-elles calculées, les intonations douces que prenaient sa voix, uniquement destinées à t'amadouer, pauvre idiote, à te faire sienne chaque jour un peu plus. Il te voulait dans ses filets, il te voulait pour lui seul, pour remplacer son frère perdu, son frère déchu ; il te voulait et il t'avait eue. Oh, il n'avait eu aucune difficulté, tu ne lui avais opposé aucune résistance, tu étais déjà amoureuse lorsqu'il avait fini par se jeter sur toi. Tu le regardais depuis déjà trop longtemps pour qu'il aie pu ignorer un seul instant que tu ne cessais de penser à lui. À lui. Ton frère. Vous n'aviez aucun lien de sang, non, lui, il était arrivé après ta naissance, bien après, tu avais déjà une dizaine d'années. Combien de temps avais-tu chercher à te rapprocher de lui, petite solitaire, pour faire de lui ton ami, à défaut d'être ton véritable frère ? Il t'en avait fallu du temps, avant de baisser les bras, d'admettre ta défaite et de te détourner de lui, lui présentant quelques fois un visage poli, t'inquiétant sincèrement pour lui. Mais toujours, tu ne récoltais que silence et indifférence.

Tu sais, moi je t'ai aimé, du plus fort que je pouvais, pour combler le vide dans ta vie, pour faire passer ton vague à l'âme et te faire oublier qu'un jour tu avais été deux. Mais il faut croire que je ne suis pas douée pour aimer et me faire aimer, puisque du jour au lendemain, tu as décidé que je n'existais plus. Finies, les réponses enflammées, finis, les baisers imaginaires qui vous brûlent les lèvres, finies les caresses légères, douces. Je n'étais plus rien, rien qu'une étrangère, rien qu'une jolie blonde loin de tes yeux, loin de ton coeur. Et toujours cet océan entre nous, cette mer déchaînée qui te cachait à ma vue, t'éloignait chaque jour un peu plus. Bien sûr tu avais peur, bien sûr tu étais en colère contre elle, contre la mer qui t'avait arraché ton double. Mais moi je t'aimais, je t'aimais et cela aurait dû suffire. Il faut croire que je n'étais pas suffisante. Trop insignifiante pour te détourner de ta douleur. Inutile. Tu es inutile, inutile et idiote. Tu te fustiges à chaque instant qui passe, mortifiée d'être celle que tu es. Tu sais que maintenant, en plus d'être bête et insignifiante, tu es impure, indigne de te présenter à nouveau devant lui et d'implorer qu'il t'aime encore. Et chaque jour dans ta salle de bain, tu pleures sur ta propre déchéance en te laissant glisser sur le carrelage, incapable de rester debout sur ta queue de poisson. Tu sais que tu le ferais fuir. Tu ferais fuir n'importe quel homme, en vérité. Mais cet homme-là en particulier, pour rien au monde tu ne voudrais le voir s'éloigner de toi. Non, tu voudrais encore te serrer contre lui, te lover contre son torse, enlacer sa taille et poser ta tête contre son épaule, comme avant. Et chaque jour, en partant pour ton travail, tu te fends d'un détour qui t'amène jusque sous les fenêtres de son appartement. Tu restes là quelques minutes, patiente, attendant de le voir peut-être passer. Tu ne demandes qu'à voir son visage, rien que son visage...