Sara-Lynn & Woody

La voiture se gara juste devant la façade d’un bâtiment orné du numéro 102. Woody quitta l’automobile et claqua la portière derrière lui. Son regard se perdit un instant dans la contemplation de la bâtisse qui lui faisait face. Il sembla hésiter un instant puis après ce moment de flottement, il s’avança doucement jusqu’à l’entrée, songeur. Il poussa la porte et entra dans le hall. Il parcourut des yeux les numéros des appartements en face desquels le nom de chaque locataire était inscrit. Il fut capté par un en particuliers : Sara-Lynn Scott appartement 3B. Son cœur de serra alors que son esprit se remémorait le visage troublé, triste et déçu de son amie lors de leur dernière rencontre, il y a 10 ans de cela…

Comme le temps passe vite… Woody s’était réveillé un matin chez son oncle, à l’âge de 12 ans, après une altercation avec son amie Sara Lynn. Il avait été fâché d’abord, en colère. Pourquoi avait-il fallu que son amie lui offre ses dessins ? Ses œuvres qui ne faisaient que lui rappeler les souvenirs de son père, ravivant la douleur de l’avoir perdu. Les jours passèrent et sa colère s’apaisa, laissant la place aux regrets et au manque. Oui son amie lui manquait terriblement et il regrettait de s’être montré si blessant avec elle. Il s’était dit qu’il l’appellerait, qu’il fallait qu’il s’excuse. Après tout, il s’était emporté, bêtement et méchamment, pour un petit rien. Sara-Lynn n’avait probablement que de bonnes intentions, elle n’avait pas pensé à mal en lui offrant son précieux carnet de croquis. Elle ne pouvait pas soupçonner le dégoût soudain de Woody pour la mer, la plage, les navires et tout ce qui lui rappellerait le décès tragique de son père. Elle ne pouvait pas le savoir tant qu’il ne lui en parlerait pas. Alors Woody s’était dit qu’il allait devoir la rappeler, qu’il allait devoir s’excuser, lui expliquer. Et puis les semaines passèrent si vite, puis les mois et il laissa filer le temps tant il était gêné et honteux. Et puis rapidement, cela fit un an qu’ils ne s’étaient pas parlés et alors Woody se demanda si Sara-Lynn se rappellerait encore de lui. Il hésitait, attrapait le combiné, composait les premiers chiffres de son numéro de téléphone, mais ne terminait jamais. Trop de temps avait passé, trop d’eau avait coulé sous les ponts, le lien entre eux s’était brisé… Retrouver leur ancienne complicité semblait impossible.

Et pourtant le voilà, dix ans après. Il emprunta les escaliers et se dirigea jusqu’à l’appartement numéro 3B. Comment allait-elle à présent ? A quoi ressemblait sa vie ? Avait-elle réalisé ses rêves ? Il s’était souvent posé ces questions, s’imaginant qu’elle était devenue une belle et célèbre artiste… A son retour à Cooktown, Woody n’avait pu s’empêcher de parcourir l’annuaire de la ville pour chercher le nom de son ancienne amie. Il s'était rendu à son adresse. A présent il se tenait devant sa porte, la main tendue vers la sonnette, en proie au doute et terrassé de questions. Qu’allait-il lui dire ? Après 10 ans de silence, allait-elle seulement accepter de lui parler ? Ou allait-elle simplement lui claquer la porte au nez ?

Il retint son souffle. Son index s’enfonça sur le bouton de la sonnette et il attendit.

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It was us against the world sara-lynn & woody ; l'appartement de sara-lynn ; le 9 juillet 2012 à 17h Tu es là, assise dans ton salon alors que tu devrais être en train de faire la vaisselle, cette vaisselle que tu évites par-dessus tout depuis des heures. Car oui, tu n’as aucune envie de t’en occuper, ni aujourd’hui, ni même demain. En fait, si quelqu’un pouvait le faire à ta place, ça t’arrangerait beaucoup. Malheureusement, engager une femme de ménage t’est tout simplement impossible vu les problèmes financiers que tu dois affronter chaque jour. Ton art ne te rapporte absolument rien et ça te tue de devoir travailler au supermarché chaque jour. Tu t’épuises à ranger les aliments dans chaque rayon, à t’occuper de la caisse, cette position des plus dégradantes. Tu n’aimes vraiment pas ça et pourtant, tu continues. Parce que tu y es obligée, tout simplement. D’ailleurs, tu reviens tout juste de ton travail après une matinée éreintante. Tu n’as envie de rien, si ce n’est regarder la télé et te goinfrer de glace ou de chips ou de quelconques aliments caloriques. Finalement, tu t’es retrouvée à farfouillé tes armoires et te voilà en train de renifler en regardant les photos de ton album. Sur celle-là, tu n’avais que 6 ans. Tu jouais dans le sable avec un petit sot. À côté de toi, un petit garçon t’aidait à construire à château de sables. Il avait l’air tellement concentré qu’il ne remarquait même pas ton regard admiratif posé sur lui. Tu souris en voyant cette photographie. Tu te souviens encore de ce jour comme-ci c’était hier. Parce que c’est sans doute ce jour-là où tu es tombée amoureuse pour la toute première fois de ta vie. Un amour d’enfance qui ne compte même plus pour toi. Parce que tu n’étais qu’une enfant, tu n’y comprenais pas grand-chose ; mais surtout parce que regarder toutes ces images de lui te laissais un goût amer dans la bouche. Woody était ton ami, puis ton amoureux et finalement, ton complice. Il avait toujours été si important dans ta vie, du moins, les 12 premières années. Puis, il est parti. Non, avant, une dispute avait éclaté entre vous deux, la veille de son départ. Tu n’avais pas compris pourquoi et pendant plusieurs semaines tu n’avais pas cherché à comprendre, jusqu’à ce que tu croises madame la maman de Woody. Et tu avais plus ou moins compris la raison de son comportement, mais obstinée que tu étais, tu n’avais pas voulu lui pardonner. Tu as attendu de ses nouvelles, longtemps, des semaines, des mois, mais jamais il ne t’a plus contacté. 10 ans ont passé maintenant et tu gardes toujours une certaine rancœur dans ton cœur ; parce qu’il t’a traité ainsi alors que tu voulais tout simplement qu’il garde une souvenir de votre amitié ; parce qu’il n’a jamais cherché à te contacter, jouant les morts pendant tout ce temps. Tu espères quand même le revoir, mais reviendra-t-il ? Tu le savais chez son oncle, malheureusement, tu n’as jamais eu l’adresse de son domicile, ou même son numéro de téléphone. De toute façon, tu ne l’aurais pas contacté, parce que ce n’était pas à toi de le faire. Tu soupires tandis que ton regard se pose sur une nouvelle photo de vous deux. Vous étiez collés l’un contre l’autre, à faire des grimaces. Elle avait été prise peu de jours avant son départ, avant que tout aille encore bien. Et là, tu espères vraiment le revoir. Mais pour lui dire quoi ? Même toi, tu ne le sais pas… Tout à coup, la sonnerie retentit. Tu sursautes. Tu ne t’attendais pas à de la visite. Soudain, tes pensées virent avec une seule et unique personne : Jonah. Tu cours vers la porte avant de te figer, la main sur la poignée. Non, ça ne pouvait pas être lui, ou plutôt, tu ne voulais pas que ce soit lui. Finalement, en y réfléchissant bien, ce serait plutôt Ruth qui avait dit qu’elle comptait passer. Tu ouvres donc la porte avec un grand sourire, t’attendant à voir ta voisine et amie sur le palier. Mais non, ce n’était pas le cas. Un grand brun se tenait juste devant ta porte. Tu fronces les sourcils. Tu ne le connaissais pas… Et pourtant, il te rappelait quelqu’un, tu en étais sûre. Tu finis quand même par afficher un sourire poli sur tes lèvres. « Oui ? Je peux vous aider ? »

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Sara-Lynn & Woody

LLes secondes semblèrent des minutes et la minute qui s’écoula avant que la porte ne s’ouvre parut elle même durer des heures. Pendant ce laps de temps, une foule d’idées fleurirent dans la tête du garçon sur la manière dont il devait saluer Sara-Lynn et présenter ses excuses pour cette altercation vieille de 10 ans. Comment s’expliquer, quels mots prononcer, quelle attitude adopter, tout semblait bien clair et posé pour Woody. Pourtant, lorsque la poignée s’anima, la seule question qui traversa l’esprit du brun fut « combien de temps me faut-il pour traverser le couloir, gagner la cage des escaliers et faire demi tour dans le hall d’entrée ? » La réponse : certainement plus de temps qu’il n’en faut pour ouvrir la porte. Le voilà gagné par la frousse de faire face à son ancienne amie, craignant brusquement sa réaction après ses 10 années de silence radio. Pas le temps de prendre la fuite : une jeune femme d’une vingtaine d’année, grande et élancée, ouvrit la porte et apparut derrière le battant de celle-ci, un sourire éclatant aux lèvres. Un instant, il s’effaça et une lueur de surprise brilla dans le regard troublé qu’elle jeta à Woody, ses sourcils se froncèrent en le regardant. Elle cherchait probablement à reconnaître son visage. Avait-il tant changé ? Lui même la détaillait sans s’en rendre compte : Sara Lynn n’était plus la petite fillette dont il était tombé amoureux étant enfant. A présent, c’était une jeune femme à la silhouette svelte et aux formes pures et féminines. De longs cheveux bruns encadraient son visage dont les traits avaient quelque peu changé, plus adultes mais toujours aussi fins et doux. Ses yeux n’avaient rien perdu de leur beauté, toujours aussi sombres, donnant une profondeur inimitable à son regard. En l’observant, Woody se demanda un instant s’il aurait reconnu son ancienne amie si ils s’étaient simplement croisés dans les rues de la ville. La voix de Sara résonna, plus mure que dans ses souvenirs. Elle le vouvoyait, lui demandait si elle pouvait l’aider. Elle ne l’avait pas reconnu donc, pas encore. Woody flaira la porte de sortie, l’échappatoire du guet-apens qu’il s’était lui même tendu. Il était encore temps pour lui de prétexter une erreur et de fuir ces retrouvailles.

Il avait le ventre serré, les mains légèrement moites et la bouche soudain très sèche. L’envie de s’échapper était plus que jamais tentante. Mais l’image de son amie se tenant dans l'entrebâillement de la porte, attendant de connaître les raisons de sa venue, cette vision lui renvoya en pleine figure combien elle lui avait manqué. Leur amourette de bac à sable avait avant tout comme origine une complicité sans borne, une confiance infinie et une entente remarquable. C’était tout ce qui lui avait manqué lorsqu’il avait déménagé chez son oncle. Bien sûr, le lycée de la ville de Laura où il avait terminé sa scolarité regorgeait d’adolescents de son âge avec qui il avait sympathisés. Mais jamais il n’avait retrouvé d’amis aussi précieux que ceux qu’il avait eus à Cooktown et jamais il n’avait recréé un lien aussi fort que celui qui le liait autrefois à Sara-Lynn. Ce n’était probablement pas aujourd’hui, après tout ce temps passé, que les deux amis allaient renouer leur amitié, comme si de rien n’était. Woody n’était pas naïf au point de croire cela. Non, mais il voulait néanmoins saisir l’opportunité pour lui parler, parce que Sara-Lynn méritait au moins d’entendre son explication et les plaintes excuses qui l’accompagnaient. Il ouvrit la bouche, et d’une voix hésitant prit la parole : « Salut Sara-Lynn… » Il marqua une courte pause. Sa gorge était sèche et sa voix manquait s’assurance. Il chercha la suite de sa phrase. Où étaient-ils passés tous ces mots qui se bousculaient dans sa tête il y a quelques minutes à peine ? Et pourquoi s’était-il pointé ici en personne ? Une lettre aurait été plus simple non ? Woody se mordit l’intérieur de la joue. Ce n’était pas le moment de paniquer ou de flancher. Elle se tenait devant lui, radieuse et rayonnante. C’était déjà un bon point. Il se concentra sur le sourire poli qu’elle lui adressait pour poursuivre en espérant que la révélation de son identité ne la fâcherait pas trop : « C’est moi, Woody. » Et il baissa les yeux, un peu honteux. Il afficha un petit sourire désolé tout en passant nerveusement la main sur sa nuque. Il se sentit soudain tout petit et incroyablement mal à l’aise, redoutant la réaction de son interlocutrice.

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