Wilhelmina & Woody

«E t avec ceci Madame ? » demanda le jeune poissonnier avec un large sourire poli. «Ce sera tout» répondit la cliente. Woody tapota sur la balance et le prix des dorades que venaient de lui commander la vieille femme s’afficha. Il emballa soigneusement les poissons, les glissa délicatement dans un sac avant de les tendre à sa cliente. Il encaissa le règlement de la transaction et salua la femme avec courtoisie. Mais celle-ci ne semblait pas décidée à quitter la petite boutique. « Mme Eastwood est souffrante ? » demanda-t-elle. Woody retint un soupir exaspéré et se força à garder le sourire malgré son agacement devant ce genre de question. Agacement, oui c’était le mot. Parce que l’interrogation de l’acheteuse n’était pas le fruit d’une inquiétude sincère mais plutôt un moyen d’assouvir sa curiosité déplacée. La poissonnière, la mère du jeune homme, était une femme à qui l’on venait de diagnostiquer un cancer du sein il y a quelques semaines, et elle ne souhaitait pas ébruiter la nouvelle. Woody avait essayé de la raisonner, cacher ce genre de maladie n’avait rien de simple, surtout que dans une ville comme Cooktown les rumeurs circulaient à une vitesse hallucinante. Mais d’un autre côté, il la comprenait. Il avait vu le regard que lui avait jeté son oncle lorsque sa mère avait appelé à la ferme pour leur annoncer la nouvelle. Et c’était probablement ce regard, chargé de pitié et de tristesse, que la mère de Woody ne voulait plus voir se poser sur elle… Les gens associent souvent le mot cancer à la mort. Peut être parce qu’encore aujourd’hui, malgré les nombreux progrès de la médecine, cette pathologie tue toujours énormément…

Woody baissa les yeux, troublé par la pensée qui venait de traverser son esprit. Il fallait qu’il se ressaisisse, qu’il chasse ces idées noires de sa tête. Relevant la tête avec un nouveau sourire forcé aux lèvres, le jeune homme répondit d’une voix qu’il espérait assurée « Non tout va bien. Elle a bien mérité un peu de vacances pas vrai ? » La vieille dame acquiesça avant de souligner combien cela faisait plaisir de revoir le petit pêcheur dans la boutique familiale. Le petit pêcheur, voilà comment on avait l’habitude de l’appeler lorsque plus jeune, le garçon ne ratait jamais une occasion pour sortir en mer aux côtés de son père sur son petit navire de pêche. Entendre ce surnom provoqua une nouvelle pointe douloureuse au creux de sa poitrine. « Enfin tu es devenu un très bel homme Woody… » le complimenta-t-elle en lui adressant un sourire édenté. Woody se débarrassa de la cliente trop bavarde en prétextant avoir énormément de travail en réserve, il la laissa et s’échappa dans l’arrière boutique réfrigérée. Après une petite minute, il entrouvrit la porte pour jeter un œil et s’assurer que la femme avait bien quitté les lieux. Un sourire soulagé apparut sur son visage lorsqu’il constata son départ. Il sortit un instant à l’extérieur, s’adossant au mur de la maison s’accordant une pause bien méritée. Il attrapa son paquet de cigarettes, en sortit une, la glissa entre ses lèvres et s’empara de son briquet. La flamme vint en lécher l’extrémité. Il tira une première taffe avec délice. C'était toujours la même sensation, la même saveur, juste une impression de plaisir.

La rumeur de pas qui se rapprochaient lui parvint interrompant ce moment de détente. Woody pria intérieurement pour que ce son n’annonce pas le retour de la vieille commère. Le garçon affublé de son habituel tablier bleu de poissonnier, toujours adossé au mur de la bâtisse qui servait à la fois d’habitation familiale et de commerce pour la poissonnerie, tourna la tête vers l’endroit d’où semblait provenir le bruit des pas. Son regard rencontra alors la silhouette élancée d’une séduisante brune. Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette avant de la coincer entre son index et son majeur en l’ôtant de sa bouche. Il détailla la nouvelle venue, en se creusant la tête : les traits de la jeune femme lui étaient bizarrement familiers. Au bout d’un court instant, Woody identifia enfin le visage de la jolie brune comme celui de Wilhelmina Forbes, une camarade de classe. Ses amis l’appelaient Forbes à l’époque et ne l’appréciaient pas beaucoup. Lui, il avait appris à la connaître lorsque ses parents l’avaient ponctuellement confié à la mère de la fillette. Il lui adressa un petit sourire timide : « Salut Mina.. » Il se demanda un instant si elle allait se souvenir de lui. Cela faisait 10 ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Lui même avait eu du mal à la reconnaître…

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baby, come back to me

◂15 heures POISSONNERIE.

Le soleil balayait ma peau de ses rayons, ou c'était ce que je pouvais imaginer en tout cas. J'étais actuellement sous l'eau, en profondeur. Nageant au milieu de vestiges de bateaux et coraux colorés qui contrastaient avec l'habitacle noyé depuis de nombreuses années. Je venais tout juste de quitter mon entrainement avec Sara-Lynn. Entraînement qui finalement m'avait fait plus de bien que je ne l'avais pensée. J'avais appréhendée le fait de la rencontrer en premier lieu, parce que j'allais me retrouver avec elle et que je n'étais pas spécialement son amie. Elle n'était pas la mienne non plus. Notre entraînement n'avait pas durer trop longtemps, mais il n'avait pas été très rapide non plus. Perdue dans ma contemplation des coraux, je ne m'étais pas aperçue du requin qui venait de passer près de moi. Les requins entourant l'ile Mako étaient dangereux, non pas parce qu'ils attaquaient beaucoup les hommes, peu de monde s'aventurait dans ces eaux, mais c'était surtout car ils avaient une vitesse de pointe de cent dix kilomètres heures. Rivalisant donc presque avec notre vitesse de sirène. De plus, ils atteignaient rapidement une taille de quatre mètres et faisaient aussi des bonds de dix mètres hors de l'eau avec aisance. Je restais calme, ne bougeant pas. Les animaux marins ne craignaient pas trop les sirènes, ce qui signifiait entre autre qu'ils pouvaient venir nous attaquer s'ils le souhaitaient. Je venais d'épuiser mon énergie avec Sara-Lynn pour pouvoir m'entrainer, ce requin tombait donc décidément très mal, pour moi. D'un coup de nageoire, je décidai de partir, regardant parfois derrière moi pour voir s'il ne me suivait pas. Ce ne fut pas le cas, et je pu de ce fait admirer les richesses de l'océan sans avoir peur de me voir perdre une partie de mon anatomie. Des dauphins nageaient au dessus de ma tête, cherchant à l'affut un banc de poisson pour pouvoir se nourrir. Les couleurs de l'océan me rappelaient inlassablement l'idée que je me faisais du paradis. Sous l'eau et non pas dans les nuages. Une question retentit alors à mon oreille. Est-ce que les sirènes étaient immortelles? Vivaient-elles plus longtemps que les bipèdes? Je savais tellement peu de choses sur ma nouvelle nature, que cela me paraissait encore trop irréel. J'avais pourtant été celle qui avait acceptée sa nature le plus rapidement, Meghan avait ensuite suivit. Je n'étais pas encore certaine que Sara acceptait sa nouvelle condition, c'était une fille un peu trop stricte et terre-à-terre. Passant une main dans mes cheveux, je décidai de sortir la tête de l'eau et de remonter à la surface. Un gros bateau était non loin de moi, m'offrant le loisir d’apercevoir des gens à son bords. Je finis cependant par retourner sous l'eau et reprendre ma route vers Cooktown. Me cachant dans un endroit reculé de la plage pour sécher, je laissais le soleil passé ses rayons sur ma peau. Mes vêtements réapparurent lorsque mes écailles disparurent. Me levant, je mis quelques secondes à me ré-habituer à mes jambes. Il fallait que je passe acheter du poisson pour les animaux dont je m'occupais au marineland, et la poissonnerie du coin était le meilleur endroit pour trouver ce dont ces créatures marines raffolaient. Enfilant mes talons, je tentais de me frayer un chemin dans le sable, tentant avec beaucoup d'effort à ne pas m'enfoncer. Je gagnai enfin la rue et me mis à marcher dans la ville, tournant au détour de certaines rues pour enfin me retrouver en direction de la poissonnerie. Mon regard croisa celui d'un homme d'environs mon âge, fumant sa cigarette près du lieu où je me rendais. Mon regard passa de son visage à son bas du corps avant de revenir vers son visage. Visage auquel je lançais un sourire en coin. « Salut Mina.. » Oh, on se connaissait. Je m'arrêtais juste en face de lui et regardais sa tenue. Il travaillait à la poissonnerie, l'odeur qui dégageait de lui était prédominante. Je mis enfin un nom à ce visage angélique. Woody. Ma mère s'occupait de lui de temps en temps lorsque nous étions plus jeune. Puis il était partit lorsque nous étions rentrés au collège. « Woody? Woody Eastwood? » Mon sourire s'élargit lorsque je le reconnue enfin. Il était devenu charmant. Je le déshabillais une nouvelle fois du regard, avant de lui sourire encore une fois. « Si on m'avait dit que le temps t'aurait autant embelli, j'aurais sûrement ri à gorge déployée.. »

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Spoiler:

Wilhelmina & Woody

Woody sentit le regard de la jeune femme le détailler des pieds à la tête. Elle sembla d’abord surprise que le poissonnier la salue ainsi. Elle parut chercher un instant l’identité de ce garçon qui paraissait la connaître. Dix ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Woody avait gardé très peu de contact ici à Cooktown, rien d’étonnant donc à ce que Wilhelmina ne l’identifie pas sur le champ. D’ailleurs, il se demandait même comment il avait fait pour la reconnaître si rapidement. La jeune femme n’avait pourtant pas été une grande amie. Pourtant il se souvenait très bien d’elle. Ce n’était pas une fillette comme les autres. A l’école, elle restait souvent à part et ne se mêlait pas aux autres petites filles de son âge. Les copains de récréation de Woody ne portaient pas beaucoup la fillette dans leurs cœurs, se montrant parfois rudes et blessants envers elle. Mais la brunette se montrait toujours forte, ne se laissant pas déstabilisée par cette horde de gamins désobligeants. C’était peut être cette force, cette détermination qui avait marqué Woody à l’époque et qui avait fait qu’il ne l’avait jamais oubliée.

Malgré les dix années écoulées, Wilhelmina sembla se rappeler de lui également: «Woody? Woody Eastwood? » Il hocha la tête pour acquiescer et elle le gratifia d’un grand sourire charmant. Woody sentit à ensuite les yeux de la jolie brune le détailler une nouvelle fois, mais ce coup-ci, cela provoqua une légère gêne chez le garçon car il ne s’agissait plus pour la jeune femme de chercher à le reconnaître mais de le jauger du regard. Il ramena rapidement sa cigarette jusqu’à ses lèvres et tira nerveusement dessus comme pour masquer son malaise. Mais la réplique de Mina n’arrangea rien : « Si on m'avait dit que le temps t'aurait autant embelli, j'aurais sûrement ri à gorge déployée.. » La fumée s’échappa de la bouche du garçon et ses yeux se focalisèrent alors sur les volutes blanches jusqu’à ce qu’elles se dissipent complètement dans l’air, comme si cela représentait un spectacle fascinant. Il cherchait en fait à éviter le regard appréciateur de son interlocutrice qui venait pourtant de lui adresser un compliment flatteur. Mais le problème lorsque l’on grandit dans la ferme d’un vieux célibataire aigri, c’est que les connaissances en matière de femmes qu’on y acquiert son très limitées. Ainsi, Woody était devenu en expert en matière de culture d’ananas, en récolte de bananes et en fertilisation des terres mais en ce qui concernait l’art subtil de la séduction et de la drague, il était plus que novice. Sa seule expérience, remontait au lycée, lorsqu’il avait invité l’une de ses amies au fameux bal de fin d’année : un slow ou deux, un peu trop de punch, une séance de pelotage qui dérape sur la banquette arrière de la voiture que son oncle lui avait prêtée pour l’occasion…

Alors probablement qu’il aurait du répondre à Mina qu’elle aussi été charmante, et cela n’aurait pas été un mensonge, elle était devenue une jeune femme magnifique au charme indéniable. Mais les seules paroles qui lui traversèrent l’esprit sur le moment furent un simple remerciement. « Merci… » dit-il d’une voix tendue. Et puis il était toujours dans son tablier bleu de poissonnier, après avoir passé la matinée et le début d’après midi à évider des poissons, il n’était pas certain d’être réellement à son avantage. Peut être qu’au final, la remarque de Mina était juste ironique… Il tira une dernière fois sur sa clope avant de l’écraser et de jeter le mégot dans une poubelle adjacente. Ses yeux se posèrent ensuite à nouveau sur son interlocutrice. « Ca fait un bail pas vrai Mina ? Alors comme ça tu es à Cooktown ? En vacances ou bien tu habites toujours ici ? »

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