• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? Pas vraiment non. J’ai laissé tomber l’école quand j’avais seize ans parce que j’en avais marre, tout le monde me faisais chier, la vie était merdique. Vous savez, le stéréotype de l’adolescent rebelle typique? Eh bien c’était moi. Je ne suis même pas diplômé alors faut dire que le futur, bah j’en ai pas trop. Je pourrai peut-être retourner à l’école, avoir mon diplôme et faire des études supérieures, mais ça ne me dit rien. Pas pour le moment en tout cas. Je suis heureux, enfin, si on veut, parce que heureux ce ne serait pas vraiment le mot exact pour me décrire. Enfin bref, passons. Je suis pêcheur, sur l’ancien bateau de mon paternel. Quand j’ai quitté l’école, il m’a obligé à travailler avec lui. ‘’Si tu fous en l’air ta vie et tes études, c’est ton choix! Mais je ne te laisserai pas flâner dans la maison toute la journée en slip. Oh que non tu vas faire quelque chose de ta peau. Tu vas venir m’aider sur le bateau’’ Ouais il était comme ça mon père, très direct. Après sa mort, j’ai tout simplement décidé de prendre la relève. Un futur, des espoirs, des rêves? Non. Je vis ma vie et on verra bien…

• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? Mon premier hameçon fait à la main. Ça peut sembler stupide je sais, mais ça ne l’est pas pour moi. J’étais qu’un enfant, et qui dit enfance dit innocence. Dans ce temps-là, mon père était doux et attentionné avec moi. On passait du temps ensemble, j’adorais venir avec lui, sur son bateau le regarder travailler. En grandissant, notre relation s’est dégradée à vue d’œil. Je traînais avec des gens peu fréquentables, j’étais en pleine crise d’adolescence, et les activités de mon paternel sont devenues de plus en plus banales et barbantes. Par la suite, il n’a plus été le même avec moi. On vivait dans la même maison, mais on ne s’adressait plus la parole, ou alors c’était pour échanger quelques bouts de phrase. C’est lui qui m’a montré comment faire un hameçon. Je devais avoir environ six ou sept ans, et nous étions sur son précieux bateau. Fallait avouer que ce bateau, c’était notre gagne-pain. Il m’a pris sur ses genoux et ensemble, nous avons construit cet hameçon. Aujourd’hui, même après sa mort, ce souvenir est gravé en moi et il m’empli de bonheur à chaque fois que j’y pense. Même si ce souvenir me remémore à quel point j’ai raté ma vie et à quel point j’ai foutu en l’air ma relation avec lui.

• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? Je crois que c’est assez évident…Ma relation avec mon père. Avoir su, j’aurais tout fait pour continuer d’entretenir une superbe relation avec lui, comme lorsque j’étais gamin. Mais bon, remonter le temps, c’est impossible. Je préfère voir la vérité en face, passer à autre chose, continuer de vivre ma petite vie. Quand j’y pense, je ressens plein de remords, de la culpabilité et je me déteste. Je sais qu’il a vraiment été touché par mon changement d’attitude radical envers lui… Il était blessé et je m’en foutais. J’étais stupide, inconscient que je blessais la seule et unique personne qui m’aimais pour qui j’étais et qui supportais mon caractère de merde et les engueulades à chaque jours…Mais si on me posais la question en face, je crois que je me contenterai de répondre que remonter le temps, c’est absurde et que ça ne sert à rien de se morfondre…Quel mauvais menteur je fais, n’est-ce pas?

• Vivant dans une petite ville côtière, aimez-vous vous aller nager ou profiter des plages de Cooktown ? Bien évidemment! L’océan c’est mon second chez moi. J’ai quasiment appris à nager avant d’apprendre à marcher. Pour être franc, je vais au minimum une fois par jour. Je connais ces plages depuis mon enfance et si je n’y m’y baigne pas, j’aime m’y promener, tout simplement. C’est le seul endroit où je peux me vider l’esprit, réfléchir correctement, et faut avouer qu’on ne se fait pas souvent déranger. C’est paisible, et après tout, qui n’aime pas le bruit des vagues, vous savez, quand elles viennent se déposer sur la plage, ou lorsqu’elles se fracassent contre les rochers? Personnellement, j’adore. Et puis j’adore surfer, j’y vais à chaque fois que l’occasion m’est donnée. Bref, pour faire court, oui j’aime nager et profiter des plages de Cooktown.

• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? Oui. Une sirène m’a sauvé la vie. Je vois tout de suite vos petits regards amusés ou vos yeux en l’air. Je m’en contrefiche. Je l’ai vue, j’ai senti ses lèvres se poser sur les miennes, alors qu’elle me transférait son air. Grâce à elle, j’ai survécu à une mort certaine. Je ne me souviens pas de son visage. Seulement de sa grosse queue de sirène brillante et colorée. Et le gout de ses lèvres. Je pourrai le reconnaître entre mille. Certains disent que j’étais trop sonné, que l’eau dans mes poumons me faisait halluciner, mais moi je sais que c’est réel et je compte bien le prouver. Je la retrouverai. Je ne sais pas encore comment, puisque je n’irai pas embrasser toute les filles de Cooktown pour savoir laquelle m’a sauvé la vie…Mais je la retrouverai même si je dois remuer ciel, terre et mer. C’est assez étrange n’est-ce pas? Parce que je crois bien être amoureux de cette fille poisson. Fille que je n’ai jamais vue, seulement sentie. Enfin, je crois…Parce que faut dire que je n’ai jamais été amoureux de ma vie.

Sans même s’en rendre compte, Lyam s’était fait projeter en dehors de son bateau et rapidement, il se faisait engloutir par les vagues déchaînées et violentes de l’océan. Ça y est, il allait terminer comme son paternel, engloutit par les fonds marins. Mort noyé, cadavre non retrouvé…Tel père tel fils non? Ce n’était pas ce qu’on disait? Les habitants de Cooktown allaient sans doute pensé que la petite famille Wellington était maudite, ou un truc du genre. La mère morte en donnant naissance à son fils et en laissant ce dernier orphelin, avec un mari dévasté mais néanmoins aimant envers son enfant…Puis, un père mort en mer, disparu… Jamais on n’avait retrouvé le corps du père de Lyam. Il était partit pêcher le repas, un bon matin et s’était fait prendre par une terrible tempête. La seule chose qu’on ait réussi à retrouver, c’était un bout de bois, sur lequel était écrit en lettres bleues ciel ‘’Elizabeth’’ C’était le prénom de sa femme, qui se trouvait à être le nom de son bateau. Vous savez, quand le cadavre d’un être cher n’a jamais été retrouvé, on a toujours cette petite lueur d’espoir…On se dit que cette personne a peut-être réussi à trouver refuge, qu’elle a peut-être survécu. Pendant six longues années Lyam a attendu le retour de son père, et ce soir, il allait disparaître comme lui, engloutit dans ce qu’il aimait le plus au monde. L’océan. Le jeune homme pouvait parfaitement sentir l’eau salée s’infiltrer dans ses poumons, le privant ainsi de toutes possibilités de respirer. Il se débattait, à la recherche d’air, mais à chaque fois que le beau brun arrivait à atteindre la surface, une nouvelle vague le poussait vers les profondeurs de l’océan. Il se fatiguait vite et recrachait lentement les dernières particules d’oxygène de ses poumons. Sa vue se brouillait, ses yeux se fermaient et rapidement, le jeune homme avait cessé de se débattre. Ses vêtements lourds et trempés l’attiraient vers le fond. La seule consolation de Lyam était qu’il n’allait pas manquer à grand monde… Le jeune homme empestait la mort à plein nez, elle était omniprésente autour de lui, c’était évident, et Lyam aurait presque pu dire, qu’il voyait la lumière au bout du tunnel. Ce qui n’était pas vraiment le cas. Alors cette lumière, c’était que des conneries, encore des mensonges que l’on mettait fans la tête des gens. Puis, cette sensation…Sans doute la chose la plus agréable, la plus douce qu’il lui ait été donné de sentir. Ces lèvres sur les siennes, cet air nouveau qui pénétrait dans les poumons du jeune homme, et l’odeur de la mort qui s’estompait peu à peu. Lentement, le jeune homme avait ouvert les yeux à nouveau, pour apercevoir cette longue queue colorée, remplie d’écailles scintillants. Ces mains posées sur les joues du jeune homme, ces longs doigts fins, mais surtout ces lèvres…Douces, pleines, revigorante. Ce sont ces lèvres, qui ont sauvé la vie du jeune homme.

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