J’étais là, assise à ma petite table en compagnie de mes camarades de classe. Maman était partie quelques heures auparavant et si, dans un premier temps, j’ai pleuré pratiquement toutes les larmes de mon petit corps, maintenant, je semblais avoir totalement oublié cet épisode. Parce que je m’amusais à dessiner. Toutes ces couleurs se mélangeaient dans une forme indistincte pour beaucoup, mais pour moi, c’était vraiment significatif. Du rouge par-ci, du bleu par-là, un peu de vert et du jaune pour représenter la plage et le soleil. En maternelle, les enfants passaient leur journée à jouer, à dessiner, à écouter la maîtresse raconter des histoires. Moi, ma période favorite, ce n’était pas jouer avec mes poupées comme la plupart des petites filles de mon âge ; ce n’était pas non plus écouter la maîtresse raconter l’histoire du petit chaperon rouge ou de boucle d’or. Non, moi mon préféré, c’était cet instant, où je gribouillais des formes, ou les couleurs venaient garnir cette triste feuille blanche. En réalité, il m’arrivait même de rester à cette petite table alors que les autres enfants jouaient dans la cours. Souvent, la maîtresse me demandait pourquoi je n’allais pas voir les autres. Je disais tout simplement que je n’en avais pas envie, que je voulais terminer mon dessin. Et elle me souriait, restait à mes côtés, s’extasiait parfois de mon œuvre d’art. Et bien entendu, moi, j’étais fière que la maîtresse me compliment ainsi. On disait que je dessinais déjà merveilleusement bien pour une enfant de mon âge. Était-ce vrai ou tout simplement pour me faire plaisir ? Je ne sais pas. Mais je trouvais moi-même que je gérais plus que les autres. Et j’étais contente, tout simplement.

Une fois mon dessin terminé, je souris fièrement avant de reporter mon regard sur les autres. Ils étaient tous en train de faire n’importe quoi. Puis, mes yeux se posèrent alors sur une fille assise toute seule dans son coin. Je n’aimais pas ça. Pourquoi est-ce qu’elle était toute seule ? Pourquoi ne s’asseyait-elle pas avec les autres. Après tout, plusieurs tables avaient encore des places de libre. Mais non, elle était là, à dessiner toute seule. Je n’aimais pas voir les autres en solitaire, alors je me suis levée, j’ai pris mon dessin et je me suis dirigée vers elle. « Dis, pourquoi tu es toute seule ? » Elle releva son visage pour me regarder. Elle haussa alors des épaules « Je ne sais pas, j’aime bien être toute seule. » Je fronçais alors les sourcils. « Menteuse, personne n’aime être toute seule. » Étonnant de la part d’une petite fille de 5 ans, n’est-ce pas ? Mais je n’étais pas une enfant comme les autres, j’étais déjà très éveillée pour mon âge. Finalement, je me décidais donc de m’asseoir en face d’elle. N’hésitant pas une seconde, je me remis à dessiner, cette fois-ci, avec un véritable but. Les couleurs se mélangèrent à nouveau, les formes aussi et petit à petit, tout se forma en quelque chose de cohérent. Les minutes passèrent, je ne parlais plus, totalement concentrée sur mon dessin. Et enfin, quand je l’ai terminé, je relevais mon visage vers cette fille. Elle me regardait avec curiosité. Je lui souris alors. « Tiens, c’est pour toi ! » Le dessin représentait deux petites filles se tenant la main, une à la peau blanche, l’autre à la peau brune. « Au fait, moi c’est Sara-Lynn. Et toi, comment tu t’appelles ? » « Meghan. »

J’étais devant le gymnase, habillée d’une longue robe bleu nuit, les cheveux relevés et bouclés. La soirée allait commencer. Le Senior Prom, voilà finalement la fin de ces 4 années d’études, ces 4 années de solitude. Non, ce n’est pas vrai, je n’étais pas seule, et pourtant, je ressentais ce petit vide qu’elle m’avait laissée en m’abandonnant 5 ans auparavant. Moi qui croyais que rien ne pourrait nous séparer, je m’étais lourdement trompée. Puis je l’ai vue, elle dans sa robe noire, cette Wilhelmina, celle qui m’avait arrachée ma Meghan. Je la détestais. Je me suis dirigée vers elle, voyant mon ancienne meilleure amie à ses côtés. Ces deux-là sont devenues inséparables. Comment ? Même moi, je n’ai rien vu venir. Non, ce n’est pas vrai. Depuis qu’elle l’a sauvée de la noyade, Meghan a commencé à s’éloigner un peu plus de moi chaque jour. Au début, je croyais qu’elle faisait ça juste parce qu’elle avait une dette envers cette dernière, mais rapidement, je me suis rendue compte que je ne faisais que me voiler la face. Elle c’était attachée à cette Wilhelmina, me laissant de côté. Toutes ces années d’amitié partirent en fumée en quelques jours. Ce que je pouvais regretter cette époque. Et là, le soir du prom, je voulais essayer de comprendre, je voulais retrouver ma meilleure amie d’enfance.

« Bonsoir Meghan, Wilhelmina. » Elle me sourit, l’autre me dévisagea de son attitude hautaine. « Alors, nous y voilà enfin, le bal de promo. » Meghan acquiesça. Un silence… Puis, Wilhelmina s’éloigna rejoindre son petit ami. Gênée, je ne savais comment agir face à elle. Après tout, ça fait tellement longtemps que nous ne nous étions plus parlées seules à seules. « Rentrons à l’intérieur. » J’acquiesçais alors doucement avant de la suivre. Le gymnase était magnifiquement décoré pour l’occasion. La musique retentissait mais aucune de nous deux ne semblait vouloir danser. Nous sommes restées dans un coin, en silence, regardant la foule. Finalement, n’y tenant plus, j’ouvris la bouche. « Ça fait longtemps que nous ne sommes plus restées à deux comme ça… Dis-moi, comment vas-tu ? » Elle semblait mal à l’aise. Je la comprenais, après tout, elle avait été celle qui a coupé les ponds. « Je… Écoute Lynn. Je suis vraiment désolée pour toutes ces années mais… Enfin… Wilhelmina avait besoin de moi, tu comprends ? » « Est-ce une raison pour couper tout contact avec moi ?! » « Tu ne l’aime pas Lynn, que voulais-tu que je fasses ?! » Elle avait raison, je ne l’aimais pas, mais ce n’était pas une raison pour couper les ponds ?! « Certes, mais ce n’est pas une raison pour ne plus me parler ! C’est elle qui te l’a interdit, n’est-ce pas ? » « Ne reporte pas tout sur le dos de Wilhelmina s’il-te-plait. Nous avons arrêté de nous parler mutuellement. » Ce n’était pas vrai et elle le savait pourtant. C’était elle qui a arrêté de répondre à mes appels ; c’était elle qui a commencé à m’éviter dans les couloirs ; c’était elle qui avait tout commencé et elle le savait très bien. Moi, je n’aspirais qu’à une chose, retrouver ma Meghan d’enfance. Finalement, je soupirais, résignée. « Si tu le dis. » Ça ne me servirait à rien de continuer, si ce n’est me blesser encore plus. Elle ne voulait plus être mon amie alors à quoi bon essayer ? J’aurais voulu que tout se règle en cette dernière soirée de lycée, mais non, mes efforts semblaient vainc. Et pourtant… Puis, elle se dirigea rapidement vers la piste. Je la suivis et le spectacle m’interloqua. Wilhelmina pleurait. Bien sûr, ça arrivait à tout le monde, mais jamais je n’aurais cru que je verrais cette fille aussi fragile qu’en ce moment-même. Elle qui était une véritable peste avec tout le monde, pleurait. Je compris alors… J’ai suivi Meghan de loin, sachant que je n’avais plus ma place à ses côtés.