• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? Mon seul espoir pour le futur serait d'en avoir un. Je doute néanmoins que ma vision des choses soit des plus conventionnelles... Il me semble que les événements que j'ai traversés m'ont plus ou moins ouverts les yeux sur la nature véritable du bonheur. Si une obscurité complète plane auprès de mes proches, sur ma vie actuelle. Je suis intimement convaincue de l'inutilité du dialogue qui résulterait d'éventuelles explications. Je souhaiterais tout simplement faire taire certains préjugés et me contenter de vivre comme je l'entends. La capacité des autres à nous convaincre d'accepter leurs propres idéaux m'impressionnera toujours.
• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous racontez le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? Le souvenir le plus heureux de ma vie paraitra constituer un étonnant paradoxe puisqu'il s'agit ni plus ni moins de l'attentat que j'ai vécu. J'ai aujourd'hui le sentiment d'avoir été dotée d'une chance incroyable, puisque je me trouve enfin en mesure de comprendre sur quoi repose ma vision du bonheur. Je n'aspire désormais qu'à repousser mes limites, toujours. L'accident eu sur mon quotidien une portée aussi imprévisible qu'exceptionnelle. Et si les visions qui peuplent mes nuits me terrifient, je dois reconnaître que je suis bien moins touchée que d'autres et ce, grâce à un sac en plastique qui parvint à me distraire. L'aspect radical de la chose se sera montré des plus efficaces pour réaliser à quel point nos préoccupations sont insignifiantes. Certains me diront folle, ils manquent seulement de discernement.
• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? J’aurais choisi mes chaussures beaucoup plus rapidement. C’est fou l’ascendant que peuvent avoir certains événements sur notre existence. De quelle façon les décisions les plus infimes sont susceptibles de nous soumettre aux conséquences les plus invraisemblables. Alors oui, si l’on me donnait aujourd’hui la possibilité de revenir en arrière, je m’épargnerais ce que tous identifient comme un traumatisme. Non pas pour dormir mieux la nuit, mais pour cesser enfin d’être soumise aux regards compatissants qui jaugent une résistance qu’ils croient affaiblie. Ils pensent comprendre de quelle manière j’appréhende l’accident. S’il savait à quel point il me fut bénéfique et que mon seul regret réside dans leur propre jugement…

• Vivant dans un petite ville côtière, aimez-vous vous allez nager ou profiter des plages de Cooktown ? Si j'apprécie une baignade occasionnelle, il est rare que je m'attarde au bord de l'eau. J'ai souvent peu de temps à perdre dans ce que je juge d'une futilité déconcertante. En revanche, je ne renoncerais jamais à une plongée en haute mer. Les eaux sombres m'ont toujours terrifiées et je vois dans le fait de résider aux abords de riches fonds marins, une nouvelle source d'adrénaline potentielle. Les études d'océanographie que j'ai d'ailleurs poursuivies pendant quelques années avant de les abandonner par lassitude, me fournissent un support intéressant. Néanmoins, mon manque d'expérience et ma capacité à rendre mes plongées dangereuses par de nombreuses imprudences inquiètent le peu de mon entourage qui s'en voit avertit.
• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? Lesdits phénomènes sont pour moi bien davantage associés à des rumeurs, qu'à une expérience personnelle. Il se peut que ma clairvoyance en prenne un coup, mais je ne me suis jamais attardée sur la question. Je suis bien loin de juger improbable l'intervention dans notre quotidien d'événements nous dépassants. J'ai moi-même trop souvent été victime des préjugés de ceux pensant trop bien me comprendre, pour ne pas suggérer l'éventualité de la chose. Mais ma patience reste bien trop limitée pour se confronter à ce genre de chasses à la vérité, bien trop souvent infructueuses. Il est également utile de mentionner que mon esprit fut largement formaté à des raisonnements logiques au cours de mes études.

Tu te relèves avec une douceur infinie, étirant tes membres engourdis. Tes prunelles rougies par d'épaisses volutes de fumée grisâtres te font souffrir. Tu ne vois plus, n'entends plus. La sensation oppressante d'avoir été privée de tous tes sens s'impose à toi. Tu ouvres la bouche, mais ta gorge sèche ne te permet pas de formuler le moindre mot. Tu ne parviens qu'à émettre un son imperceptible qui raisonne dans ton esprit comme une plainte muette. Tu prends soudain conscience que tes jambes parviennent à supporter ton poids et tu esquisses quelques pas dans le vide. Tu vois au loin une source de lumière dans cette désolation grisonnante et le doute t'assaille. C'est à cela que ressemble la mort. Tu crois apercevoir ton échappatoire là, tout près. Ton instinct te dicte de ne pas te retourner, alors que tu rejoins les rêves cotonneux de ton subconscient.



"Tu savais toi, que wikipédia était beaucoup plus expansif au sujet des moules que des crevettes ?"

Issue de l’union d’une éminente scientifique russe et d’un avocat anglais, l’importance du savoir s’imposa à elle depuis sa plus tendre enfance. Cadette d’une fratrie de trois enfants, elle se trouva entourée d’un frère et une sœur. Si elle entretint toujours avec cette dernière une relation houleuse, son frère demeura un acteur majeur de son enfance. De cinq ans son ainé, il représenta une véritable figure paternel, comblant l’absence de leur géniteur. La famille quitta Northampton pour la capitale anglaise peu de temps après la naissance de Paige. L’activité du centre de Londres imposa à la famille un rythme de vie effréné, mais qui correspondait à leurs attentes et facilitait les déplacements professionnels du couple parental. Empruntant une voie opposée à celle de sa sœur, Paige s’illustra durant sa scolarité comme une enfant douée, malgré ses difficultés à entrer dans la conformité du système scolaire. Elle tenta d’attirer par sa brillance l’attention de parents toujours éloignés par leurs impératifs professionnels. Elle obtint son bac avec un an d’avance et de brillants résultats. Puis cessa subitement ses efforts à la suite du 7 juillet 2005.
Son jour ne fut pas uniquement celui qui bouleversa sa vie, il eut un effet dévastateur sur la majeure partie des londoniens.



"Tu sais que le plancton a un rôle essentiel dans la relation entre les organismes benthiques et pélagiques ?"

7h28, encore en plein débat intérieur sur le choix crucial d'une paire de chaussures, tu accumules du retard sans même t'en rendre compte. Le pouvoir de prendre ce genre de décision rapidement t'a toujours fait défaut.
7h32, altercation brève et dénuée d'intérêt avec une voisine au sujet de la patisserie de l'autre côté de la rue.
7h33, détour par la patisserie en question pour s'y procurer un sachet de gâteaux. Esprit de contradiction ou besoin réel, toi-même ne saurait statuer.
7h35, arrivée à l'arrêt du bus tardive, tu te rend à l'évidence, ton moyen de locomotion habituel s'étant déjà éloigné, il te faut rejoindre au plus vite une station de métro.
7h38, tu t'engouffres dans la station de Green Park sans la moindre hésitation.
7h39, tu achètes rapidement le titre de transport quil te manque.
7h41, tu montes dans la rame de tête comme à ton habitude, tout en consultant ton téléphone.
7h44, Les stations défilent sans que tu t'en préoccupes.
7h49, le métro atteint King's Cross et tu t'apprêtes à descendre.
7h50, noir...

Tu ouvres les yeux, clignes des paupières pour tenter de soulager tes pupilles larmoyantes. Ta gorge est en feu et tes pensées vont immédiatement de manière aussi stupide qu'imprévisible aux biscuits reposants à tes côtés. Tu tentes d'en rassembler les miettes avec une frénésie inexplicable. Tu titubes et parviens à rejoindre le quai. Le bilan de l'explosion est lourd. Quelques dizaines de mètres derrière toi, vingt-sept personnes ne se relèveront pas. Toujours dans un silence pesant tu cours, telle la gazelle échappant au dangereux prédateur. Tu sens sa morsure dans tes poumons, ton estomac. Tu es prise de nausées, tandis qu'on t'empoigne. Alors que tu n'aspires qu'à fuir, on tente de te retenir, te débattant follement tu parviens à quitter cet étaux. Ne semblant pas voir la lumière du jour tu poursuis la lutte avant de t'écrouler, trop meurtrie pour faire un pas de plus. Un sentiment de culpabilité et d'impuissance t'envahie sans préavis. Ton attention se porte sur l'unique chose qui te paraît alors digne d'intérêt le sachet froissé entre tes mains moites.

Il fut décrété naturellement que la jeune fille devrait se rendre chez un psychologue afin de soulager sa conscience du traumatisme qu’elle venait de vivre. On tenta par tous les moyens possibles de la convaincre de se confier, espérant lui rendre son insouciance. Le refus de se soumettre qu’elle avait déjà rencontré tout au long de ses études refit surface. Refusant tout dialogue aussi bien que l'hypnose, refusant de laisser une personne lire dans les recoins sombres de son esprit. Faisant mine de se rendre aux séances avant de faire demi-tour, gardant le silence, ou s’enfermant dans sa chambre, elle parvint enfin à faire en sorte que les regards soient tournés vers elle.



"Ah les hippocampes. Enfin une espèce animale qui a tout compris. Assurer la pérennité de leur couple, dans un partage équitable des aléas de la vie conjugale."

- Je vous en pris dites-moi quelque chose !
- Quoi donc ?
- Pardon ?
- Dites-moi ce que vous voulez entendre je vous le dirais, s'il n'y a que ça pour vous faire plaisir.

Dès lors, elle trouva leur insistance oppressante et leurs regards larmoyants pesants. Elle décréta du jour au lendemain vouloir poursuivre des études d'océanographie à l'étranger, malgré le peu d'intérêt qu'elle portait au sujet. Ses parents ravis de constater chez elle une volonté de s'ouvrir sur le monde l'encouragèrent vivement et promirent de financer le projet. Ils allèrent jusqu'à accepter de mettre un terme de manière provisoire à la thérapie qui leur tenait tant à coeur. Convaincus de l'aspect bénéfique qu'aurait le voyage sur leur fille et ne s'étant jamais attardés à ses préoccupations premières, l'éloigner s'annonçait véritablement comme la meilleure des solutions. Débarrassés du poids de leur excessive compassion, ils restent persuadés d'avoir fait le bon choix. Ne se rendant pas même à l'évidence de ce que pouvait sous-entendre le choix de destination de leur fille. L'Australie, ou plus exactement le lieu qui rendrait toute visite ou communication complexe par la distance, le coût, le décalage horaire et bien d'autres. Non jamais plus elle n'aurait à porter sur ses épaules leur culpapilité.



"Tu crois que les baleines sont suceptibles de complexer sur leur taille ?"

Et si... Le flux de voyageurs avaient été moins abondant. Le ticket se trouvait déjà en ta possession. La bus comptait un léger retard. La boulangerie était fermée. La voisine avait fait taire ses revendications. Le choix des chaussures s'était imposé comme une évidence. Tu aimes à penser que tu ne serais pas ce que tu es aujourd'hui, tout simplement.

- J'aimerais que tout au long de votre voyage vous conserviez dans ce carnet les étapes que vous traversez, les faits que vous jugez marquants et qui auront selon vous une influence néfaste ou non sur votre quotidien, vos rêves. Tout ça, tout ce qui vous paraîtra digne d'y consacrer quelques lignes ou au contraire des pages entières. Vous pourrez me remettre le carnet à votre retour afin que nous l'étudions ensemble.
- D'accord.
- Vraiment ?*
- Oui.

Pauvre imbécile, il avait même l'air d'y croire vraiment. Tu emporterais ce carnet dans tes bagages certes, mais pour ce qui était de le lui remettre à ton retour, toute ta bonne volonté se voyait entravée par deux choses. Premièrement jamais tu ne remettrais les pieds dans son cabinet, deuxièmement tu avais la ferme intention de ne jamais revenir.



"Dis donc tu crois que les poissons à la fin de Nemo sont morts asphyxiés dans leurs sacs en plastique ?"

Elle assista aux cours auxquels elle était inscrite négligemment jusqu'à ses vingt ans. Esquivant régulièrement les visites de ses proches, acceptant de les recevoir deux fois seulement à Sydney. Elle quitta ensuite la ville, lassée, pour se laisser dériver à travers une bonne partie du pays. Elle s'établit à Cooktown sans raison particulière, simplement parce que pour la première fois elle se sentait bien quelque part. Si tout l'éloignait ici de ses origines, la ville de par sa localisation en bord de mer, lui permettait de prétendre poursuivre ses recherches en solitaire. Vantant son ambition démesurée auprès de ses parents, bien qu'elle fusse en réalité inexistante. Trop préoccupés par leurs propres carrières respectives, le couple ne prit jamais la peine de lui rendre visite dans la petite ville côtière pour vérifier ses dires. Paige se contenta de quelques brefs allers retours du côté de Londres, majoritairement pour rendre visite à son frère, le seul qu'elle regrettait ici. Elle ne l'informa pourtant jamais de sa situation instable malgré l'affection qu'elle lui portait, ne souhaitant pas susciter chez lui une quelconque inquiétude inutile.
Enchaînant divers petits boulots peu rémunérés et sans perspectives, entre emploi à mi-temps au Marineland et poste de serveuse, jamais il ne lui vint à l'idée d'entreprendre une véritable carrière. Déçue d'avoir été délaissée par ses parents tout au long de son enfance elle ne se voyait pas se lancer dans un parcours similaire, allant jusqu'à refuser de considérer le fait d'avoir un jour des enfants.

Aujourd'hui seul compte le fait de vivre un peu plus longtemps, ou un peu mieux. S'accordant des objectifs accessibles pour s'épargner toute déception. Elle ne considère nullement le futur et s'est trouvée une nouvelle passion. Toute source de danger l'attire indéniablement, elle n'hésite pas à mettre ses jours en péril, convaincue que la chance qui l'épargna contre toute attente, lors de l'attentat londonien, se trouve encore à ses côtés. L'adrénaline est sa nouvelle alliée, lui permet de faire face. La platitude de sa vie professionnelle n'a d'égale que sa soif de sensations.

- Allo... mademoiselle Haze ?
- Qui est à l'appareill ?
- Je suis le psycologue qui vous a suivit sur Londres, je souhaitais savoir si...
... bip.
*Moi aussi j'peux cacher des trucs dans ma fiche.