• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? Je n’ai aucun rêve. Vraiment. La vie que je mène me va humblement. Elle est simple et j’aime ne pas me prendre la tête. En faite, j’aime profiter de chaque instant présent, en quelque sorte vivre au jour le jour. Ainsi, je me contente de ce que j’ai donc, je n'ai guère de perspective d’avenir. Après tout, on verra bien ce que me réserve la vie. Sinon, concernant les espoirs, j’en ai un. L’unique. C’est de retourner en Alaska, revoir tous ces paysages extraordinaires et hors du commun et revivre cette sensation de bien être. Oui, j’espère y retourner. Certes, seule mais j’espère y retourner quand même.
• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? Le voyage que j’ai fait avec mon grand père, en Alaska. D’ailleurs, c’était son dernier. Il est décédé deux mois après notre retour. Pourquoi c’est ce voyage et pas un autre ? Car d’une part, ce fut les derniers moments que j’ai pu passer avec mon papi. Et d’autre part, les paysages étaient uniques et incroyables. Pendant ces quelques semaines, tout ceci avait dégagé en moi une sensation de bien être, que je ne saurais expliquer dans les détails tellement c’était… extraordinaire. J’aurais voulu rester là bas pour une durée indéterminée, tellement c’était mon élément – ma terre – comme si quelque chose me rattachait à tous ces paysages enneigés. Vous n’avez jamais senti cette sensation ? En tout cas, moi je l’ai ressentie et j’espère la ressentir à nouveau...
• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? Même si j’avais l’opportunité de remonter le temps, rien ne pourra changer l’événement que j’aimerais changer. Autrement dit, la mort de mon grand père. Quand je l’ai perdu, ce fut terrible pour moi. Il m’a laissé un gros trou à l’intérieur de moi, et je donnerai n’importe quoi pour le ressusciter si c’était possible. Malheureusement, on ne peut rien faire contre la mort. On dit souvent que les meilleurs partent en premier… Mon grand père, c’était le meilleur. Donc, c’était évident qu’il parte en premier. Il restera néanmoins le seul être humain, vivant sur cet terre, qui aura mon amour et non mes parents - dû à leur absence quotidienne – ou à qui que ce soit d’autre. Mon grand père demeura à jamais le seul être humain, que je ne pourrais jamais oublier. Il a toujours fait parti de moi, depuis mon plus jeune âge malgré cette douloureuse séparation.

• Vivant dans une petite ville côtière, aimez-vous vous aller nager ou profiter des plages de Cooktown ? J’aime profiter de la plage. En faite, à mes heures perdues ou quand je ne suis pas de service, vous me verrez souvent sur le sable chaud ou sur les rochers. Tout dépend de mon humeur. Vous pouvez m’y voir aussi bien le matin – de très bonne heure car je suis assez matinale – que le soir, très tard. Bref, c’est un endroit que j’apprécie beaucoup pour passer du bon temps. J'aime également mettre mes pieds dans le sable chaud, contempler la mer pendant des heures et des heures et écouter les vagues s'échouant sur le sable. Bref, paysage magnifique et ambiance agréable. Je ne pourrais jamais m'en lasser. Par contre, je ne supporte pas l’eau. Je ne me baigne jamais. Tout ceci depuis qu’on m’a jeté dans une piscine, lors d’une fête. J’ai cru que j’allais me noyer… Alors non merci pour les baignades dans la mer ou dans une piscine.
• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? Oui, une fois. J’étais assise sur les rochers, depuis déjà plusieurs heures. Je contemplais la mer. Il n’y avait aucun bruit, étant donné qu’il était déjà tard. Soudainement, j’ai vu une étrange silhouette dans l’eau. J’ignore encore la véritable identité de cette « chose » mais je suis sûre que ce n’était pas un poisson, qu’on pêche grâce à des filets. La silhouette semblait très différente. J’ai même entendu un drôle de bruit, qui ne ressemblait pas à celui que j’entends habituellement – lorsque les vagues viennent s’échouer sur le sable. C’était quelque chose d’autre, comme un léger clapotis. Bref, si la nuit n’était pas tombée, j’aurais pu mettre un nom sur cette « chose »… Dommage.

Une petite table. Un feu dans la cheminée. Des crêpes accompagnées de sirop d’érable. Mes parents, mon grand père et moi présents, autour de cette table. Ca se passait toujours comme ça nos hivers familiaux, au Canada – jusqu’à la mort de mon grand père. Nos soirées se résumaient donc à ça : les histoires de mon grand père, celui ci racontant ses nombreux voyages. « Papi, racontes encore une de tes histoires, s’il te plait ! » demandai-je, curieuse d’en écouter encore une même si je les connaissais toutes par cœur, au fil du temps. J’avais les yeux qui pétillaient de bonheur, tellement j’adorais ces moments familiaux. Pourquoi je les aimais ? Car tout simplement, toute ma famille était enfin réunie au complet. C’étaient les seuls instants pendant lesquels j’arrivais à profiter de mes parents et de mon grand père. Hormis ces moments, mes géniteurs étaient bien trop occupés par leur travail, et je passais donc toutes mes journées en compagnie soit de mon grand père, soit de ma nounou. « Quelle histoire veux-tu que je te raconte, Jalee’ ? » me questionna-t-il, doucement, avec un large sourire perché sur ses lèvres. Je mis alors mon index sur mon menton, et je me mis à réfléchir. Pendant ce temps, je crus voir mes parents sourire aux anges. Etaient-ils vraiment heureux ou faisaient-ils semblant ? « La fois où tu es allé au… Danemark… Ah non ! Attends ! Plutôt, quand tu es allé en Norvège… Et puis, flûte ! Quand tu es parti en Alaska ! Oui, celle là ! » lui répondis-je, carrément excitée. L’Alaska. Un pays qui m’avait toujours fasciné. Tout comme l’histoire de mon grand père. Attendant sa réponse, je ne pus m’empêcher de manger une énième crêpe au sirop d’érable. J’entendis alors le rire de mon grand père, certainement amusé par mon coté « gourmande » prononcée et le fait que je n’avais pu choisir entre tous ses voyages – normal je les aimais tous. Il attendit juste que je finisse ma crêpe pour commencer son histoire, et me prendre sur ses genoux. Je me blottis alors contre son torse, et j’attendis son récit palpitant, comme tous les précédents.

« Alors, pour commencer cette histoire, je suis allé jusqu’à la frontière entre le Canada et l’Alaska. C’était un chemin très long que j’ai du faire en taxi, en voiture en faisant du stop, en bus et en train. Ca m’a pris plusieurs jours voire carrément des semaines, tellement l’Alaska est un pays éloigné. Puis, quand je suis arrivé à la frontière, j’ai pris un traineau que des chiens-loups tiraient. J’ai vogué alors sur la glace en leur compagnie… D’ailleurs, une compagnie adorable. Tels des doudous vivants, et ils me permettaient d’avoir chaud la nuit et d’être protégé au cas où – j’émis un petit cri lorsqu’il prononça ses derniers mots – J’ai passé de nombreuses semaines à sillonner la glace. J’ai pu observer de très beaux paysages, et de très belles choses créées uniquement par la nature. J’ai fais de magnifiques rencontres, aussi bien avec les hommes habitant là bas qu’avec les différents animaux. L’eau peut faire des choses magnifiques si tu savais ma petite Jalee’… L’Alaska est vraiment un pays extraordinaire, hors du commun. J’ai même appris à construire un igloo ! » finit-il par dire, en riant doucement. « Et tu m’apprendras hein ? » demandais-je, avide de curiosité une nouvelle fois. « Si tu veux, petite princesse. » me répondit-il, gentiment. Puis, je descendis de ses genoux pour s’asseoir près de la table, et je repris une nouvelle crêpe. « Dis Papi, je veux venir avec toi maintenant. » dis-je, soudainement, la bouche pleine de crêpe. Mes parents écarquillèrent les yeux, et je vis que le visage de mon grand père devint plus sérieux. « Quand tu seras plus grande, Jaleeya. Je te le promets. De toute façon, il faudra bien que tu voies un jour ou l’autre ta terre. » me répondit-il. Je me mis à sourire largement, ravie qu’ils acceptent tous bien que mes parents restaient un peu… mitigés et mal à l’aise. Mais je m’en foutais bien. « Ma terre ? » questionnai-je, arquant un sourcil, ne comprenant pas tout. « En plus d’avoir des origines anglaises et canadiennes, tu en as de cette terre blanche. Enfin… Ca reste selon une légende hein. » m’expliqua-t-il. J’avalai alors ma bouchée, totalement surprise par cette révélation. Etait-il sérieux ou bien, s'amusait-il à me raconter de nouvelles histoires ?





Une fête. Un tas de gens. Une grande piscine. Et moi au milieu de tout ça. En contemplant la foule d’adolescents, je me demandais pourquoi j’étais ici, assise sur un transat, sous le soleil brûlant. Peut être pour faire plaisir à ma pote ? Peut être car j’avais besoin de me changer les idées ? Peut être car j’en avais eu soudainement envie ? Aucune idée, mais j’étais bel et bien là, dans cette putain de fête. J’étais isolée, seule, presque abandonnée de tous, étant donné que tout le monde faisait d’autres occupations, comme se baigner, danser, boire ou manger. Pourquoi je ne me baignais pas ? Car, je n’aimais pas beaucoup l’eau. Et, car elle me donnait souvent la poisse. D’ailleurs, ce fut ce qu’il arriva. Ma tranquillité fut brisée par un groupe de trois mecs, aux apparences arrogantes. Trois gros emmerdeurs en quelque sorte. Ils étaient en arc de cercle, face à moi. « Alors, on ne fait pas la petite sirène dans la piscine ? » dit le premier, d’une voix un peu trop taquine à mon goût. Je relevai alors mes lunettes de soleil, le fixais un instant, silencieusement, et finalement je secouai la tête en guise de réponse. « Oh ! Quel dommage ! T’as peur de l’eau ? » fit le second, en se rapprochant de moi, tout en mimant quelqu’un qui avait peur de l’eau. Désespérant. Je ne répondis toujours pas. « Ou bien, t’aimes pas l’eau ? » rajouta le troisième, comme s’il s’agissait de trouver la bonne réponse. Et encore aucun mot de ma part. Mais, quelque peu sur mes gardes, je ne pus m'empêcher de regarder derrière moi si ma pote était dans les alentours, afin de régler cette altercation si ça tournait mal. Cependant, il n’y avait personne près de moi. « La petite sirène a perdu sa voix comme dans le dessin animé… C’est tou-chant ! » reprit le premier, moqueur cette fois ci. Puis, je vis qu’il fit signe à ses deux collègues et automatiquement, ils me prirent tous pour me soulever de mon transat. Un par les mains, l’autre par les pieds, et le troisième… Je ne le savais pas exactement. « NON ! LÂCHEZ MOI ! J’AI DIS… » criai-je, comprenant d’un coup où ils voulaient en venir. « Chuuuuuut ! » dit le troisième, en commençant à rire comme un idiot. « PUT… LÂCHEZ MOI ! » répétais-je, en essayant de me débattre mais en vain. J’étais vouée à leurs stupidités.

Puis, je vis l’eau sous moi. Il n’y avait plus que quelques centimètres qui me séparaient d’elle. Non, je ne voulais pas me retrouver dans cette piscine, trempée. Mon cœur commença à s’affoler, frisant la crise cardiaque. « Lâchez la, Peter et Ed’. Vous avez que ça à foutre ? » dit, sèchement, une voix féminine – ma pote. J’eus juste le temps de soupirer de soulagement, que déjà je sentis le contact de l’eau avec ma peau - ce qui ressemblait à une décharge électrique. Ils m’avaient lâchée. Puis, tout se passa très vite. L’eau rentra dans ma bouche. J’essayais de me débattre avec l’eau. Je tentais de nager pour rejoindre les escaliers et sortir de là. Mais en vain. C’était comme si l’eau voulait, étrangement, me retenir. Parallèlement à tout ça, j’entendais ma pote qui m’appelait, sans réellement comprendre ses paroles. Probablement était-elle inquiète. Je commençais cependant à suffoquer. L’eau m’étouffait peu à peu. Je croyais que j’allais me noyer si ça continuait comme ça. Puis, je me sentis couler petit à petit, fatiguée par mes nombreux efforts. Mais, à cet instant, je sentis quelqu’un qui me prit et quelques secondes plus tard, j’étais en dehors de l’eau, allongée sur les dalles de la piscine, rejetant toute l’eau que j’avais bue. « Ca va Jalee’ ? » me dit-elle, bouleversée par cet incident. « Oui, oui. Mais plus jamais de baignades. » répondis-je, essoufflée et carrément sous le choc. Je n'aimais pas du tout l'eau.





La nuit était déjà tombée. Il devait être vers deux heures et demi du matin, à tout casser. Les rues de Cooktown semblaient à présent désertes. Il y avait peu de bruits, juste de temps en temps des brides de conversations des derniers habitants infatigables. Bref, tout était silencieux. Je pouvais juste entendre les vagues qui s’échouaient sur la plage, dépeuplée. Douce mélodie, telle une berceuse pour s’endormir. Non, je ne voulais pas encore dormir. Les genoux contre ma poitrine, les pieds nus, je fixais encore l’horizon, pensivement. A quoi je pensais encore ? Aucune idée. Mais j’étais dans cette position depuis déjà… longtemps. Peut être. Puis, soudainement, dans l’eau salée, à la lueur des faibles rayons lunaires, une drôle de silhouette croisa mon regard. Je voyais mal à cause de l’obscurité de la nuit. Mais cette silhouette n’était pas une banale silhouette d’un poisson, ou encore d’un quelconque mammifère marin commun. Etait-ce quelque chose de complètement différent ? Probablement. Mais à cause du manque de lumière, je n’étais sûre de rien. Malheureusement. Puis un bruit. Différent de celui que font les vagues lorsqu’elles rencontrent le sable. Un bruit qui ressemblait à un clapotis, comme celui que font les baleines ou les dauphins avec leur queue. Complètement intriguée, je bondisi sur mes pieds, comme un ressort, pris mes sandales et sautai de rochers en rochers pour arriver enfin sur le goudron. Je devais lui raconter. C’était carrément… fascinant.

« Daleeeeeee ! Faut que je te raconte un truc » dis-je, assez excitée, en poussant la porte d’entrée, jetant mon sac par terre pour déambuler par la suite dans le salon à la recherche de Dale, mon coloc’. « Quoi ? T’as vu la voisine glissait sur une peau de banane ? » me répondit-il, avec un air taquin. Je secouai alors la tête puis lui répondis, toujours sous le choc de ce qui s’était passé à la plage. « Non, c’est beaucoup plus intéressant que la voisine à vrai dire. ». Il se redressa, et planta alors son regard dans le mien. « Alors racontes. Je t’écoute. » me fit-il, légèrement curieux. « Est ce que tu crois aux êtres mythiques venant des profondeurs de la mer ? » le questionnai-je, penchant la tête sur le côté, écarquillant légèrement les yeux. Il se mit alors à rire, secouant la tête. « Jalee’, toi et tes conneries... » commença t-il à répondre, lassé, passant une main dans ses cheveux. « T’es pas du tout crédible. » rajouta-t-il, en m’observant toujours, peut être curieux de ma réaction.Puis, il se mit à rire doucement, amusé. « Mais je t’assure que je ne dis pas des conneries. Pas cette fois ci du moins. » insistai-je, terriblement entêtée. Je savais que la silhouette que j’avais vu et le bruit quelques secondes après n’étaient pas des choses ordinaires. « Alors, comment expliques-tu le fait que je viens de voir il y a à peine dix minutes une silhouette dans l’eau, qui ne ressemblait pas du tout à une silhouette d’un poisson ? Et un bruit, différent de celui que font les vagues ? » racontai-je, déterminée et légèrement vexée par le comportement de Dale. « Je pense que tu devrais aller dormir. Il est trois heures du matin, Jaleeya. Tu as juste besoin de sommeil. En plus, il faisait noir… Donc, je me demande vraiment comment tu as pu voir ce truc. » finit-il par conclure, avec un sourire en coin. Il ne me croyait pas. Faisant une mine boudeuse, je sortis du salon. Pourtant j’étais sûre de ce que j’avais vu. Ce n’était pas un poisson… Je ne délirais pas, contrairement à ce que pouvait penser Dale.