• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? Je vis ma vie au jour le jour. Je viens tout juste de débarquer ici, à Cooktown, il faudrait que je commence par rencontrer un tas de monde. Les rêves arriveront sans doute après. Tout ce que j'espère pour le moment, c'est que le courant passe, entre Wilhelmina et moi, et qu'elle m'accepte après vingt-deux ans de séparation.
• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous raconter le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? J'ai beaucoup de souvenirs heureux, j'ai eu la chance d'avoir une belle vie bien remplie jusqu'ici. Après tout, je suis une fille alors...Je dirais : mon premier baiser. Sous la pluie, en plus. Très, très romantique.
• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? Sans doute le fait que ma mère biologique m'abandonne. J'aurais vraiment aimé la connaître et grandir avec ma soeur jumelle, mais... Je n'ai vraiment pas à me plaindre de l'enfance et l'adolescence que j'ai eu.

• Une seule goutte d'eau, et le compte à rebours est entamé : comment faites-vous pour dissimuler votre nature de sirène à vos proches ? Cela fait maintenant trois ans que je lutte pour garder mon secret. Je déteste les mensonges mais c’est pour une bonne cause, à dire vrai. Toutefois, je passe souvent pour quelqu’un de bizarre. Ma stratégie est simple : Eviter l'eau le plus possible. Comme toute sirène qui se respecte, je m'en tiens à l'écart tant que je ne suis pas seule.
• Sentir les écailles remplacer votre épiderme, les nageoires se fondre sur vos pieds, l'eau vous caresser doucement... Quel est pour vous la plus belle chose dans le fait d'être une sirène ? > Le fait de sentir extraordinaire, de tenir très longtemps sans devoir remonter à la surface, de pouvoir nager librement, de pouvoir explorer les profondeurs de l'océan et se fondre parmi cet univers merveilleux et énigmatique.
• Calepins en main, appareils de mesure complexes... Que pensez-vous de la horde de scientifiques qui se penchent un peu plus sur les phénomènes étranges se passant à Cooktown et entourant votre existence de sirène ? Ces gens sont des personnes qui doivent absolument tout savoir. Parfois le mystère est beaucoup plus intéressant qu’une explication scientifique complexe. Mon avenir est en jeu, ainsi que celui de tous ceux qui sont comme moi. Je n’ai pas envie de passer ma vie enfermée dans un bassin à être observée comme une bête de foire. Un jour, si je peux les dévier dans leurs recherches, sans non plus leur faire de mal, je n’hésiterais pas une seule seconde.

justaddwater.com

Quatorze Février mille neuf cent quatre-vingt-dix. Jour où tous les couples s’offrent cadeaux, baisers et dîners. Mais dans à l’hôpital de Cooktown, une femme hurle. Elle donne naissance à deux petites filles. Le miracle de la vie. Malheureusement, elle est dans l’impossibilité de les élever ensemble. Elle choisit l’aînée, laissant à l’autre seulement deux simples prénoms. Everleigh Willow.


Maison des Rhodes, le 14/02/2003

« Cela fait 13 ans que ma petite fille est née ! Chantez avec moi ! Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire… ! »

Je levai les yeux au ciel. Ma mère ne changera jamais. Toujours cet air enjoué et superficiel lors de mes anniversaires. Mais il valait mieux ça qu’une maman indifférente. Et puis elle était adorable. Mon père tapait dans ses mains, tel un phoque heureux. La ressemblance est frappante. L’imaginer dans ma tête m’arrachai un rire idiot devant mes bougies. J’éteignais les quinze flammes d’un souffle et ma génitrice me fixa avec des yeux ronds.

« Et ton vœu ?! »

Toute la famille avait maintenant un regard pesant sur ma personne. Merde. C’était une tradition des Rhodes de faire un souhait et de le dire à tout le monde (Tu m’étonnes qu’il ne se réalise pas.) Durant des années, j’avais toujours voulu devenir quelqu’un d’utile à l’humanité, quelqu’un qui pourrait changer le monde. Et puis, avoir un bisounours turquoise, aussi. Avec un sourire timide, j’haussai les épaules.

« J’ai déjà tout ce dont j’ai envie. Une magnifique maison en Grèce, des parents formidables, une famille géniale, un pays au paysage à couper le souffle et je ne manque de rien. Je ne veux rien de plus. »

Une de mes cousines, plus petite que moi, ainsi que ma grand-mère maternelle se mirent à hurler mon nom et applaudir. Tout le monde se mit à rire, tandis que mes géniteurs me serraient dans leurs bras en pleurant de joie. Franchement, j’avais toujours adoré les anniversaires familiaux.

île de Santorin, le 25/06/2009

« Attrape, Evy ! »
« Je l’ai, Joe ! »

Je tapai violemment dans la balle de volley qui retourna dans le camp adverse. Après plusieurs échanges, elle termina sa course chez nos adversaires. Mon équipe sauta de joie, et moi avec. Cela faisait neuf ans qu’on jouait ensemble, et franchement on s’entendaient toutes à merveille. Sur le chemin du retour après le match, que je faisais avec ma meilleure amie, Joe, me proposa une escapade sur les bords de l’île au clair de lune.

« Toutes les deux ? »
« Non…Nick m’a invité. »
« Je vais pas ramener mes fesses à ton rendez-vous, Joe. »
« Je veux pas y aller toute seule ! Il est gentil mais…trop bizarre pour moi. »

Je retenais un rire. Ce garçon était un de nos amis commun ayant un coup de foudre pour elle.

« Ca vaaa, je t’accompagne. »


THE grotte, le 25/06/2009

« Non mais regardez moi ça ! » s'écria Joe alors que nous étions à l'intérieur d'une grotte étrange.
« C'est vraiment très impressionnant. »

J'avançai, pas à pas, derrière ma meilleure amie. Nous venions de trouver cet endroit en naviguant près des côtes avec le petit bateau à moteur de Nick. Celui-ci, d'ailleurs, me suivait avec prudence. Après quelques minutes de marche, nous débouchions sur un bassin d'eau mystérieux et splendide à la fois.

« C'est juste...indescriptible. »

Je me penchai et plongeai la main dans le liquide. Elle était chaude. Je ne savais pas trop si la grotte était reliée à la mer.

« Vous savez où on est là ? »
« Pas la moindre idée, ma chérie. »

Au moment où je me relevai, je sentis quelqu'un me pousser et je tombais en avant, la tête la première, dans l'eau tiède du bassin.

« Hé ! » hurlai-je en revenant à la surface.
« Alors, elle est bonne ? » me demanda Joe en riant
« C’est super agréable, figure-toi. »

Je l’arrosai au passage. Nick se tordait les mains derrière elle.

« On ferait mieux de rentrer, vous croyez pas ? »
« Ouais, c’est vrai, il est super tard, là. »

Il était minuit passé et mes parents n’avaient pas l’habitude que je rentre à cette heure-là sans au moins les prévenir. J’allais sortir du bassin quand Joe cria et se recula brusquement.

« Oh mon dieu, Evy ! »

Mais je ne répondis pas, trop paniquée à regarder autour de moi. L’eau du bassin s’était mise à bouillonner et la lumière de la pleine lune m’éclairait plus que la normale. Des bulles se formèrent et s’envolèrent vers l’astre. Je respirais à peine tandis que mes deux amis me criaient de sortir de là, que c’était une œuvre du volcan et que j’allais mourir brûlée dans d’atroces souffrances. Mais rien, absolument rien ne réussit à me faire sortir de là et décrocher mon regard de la lune.

Quand tout se termina, je revins à la réalité et sortit presque machinalement. Joe se rua dans mes bras en me demandant si tout allait bien. J’haussai les épaules. Je n’avais pas d’explications à ce qu’il venait d’arriver et n’avais aucune idée de ce que je ressentais en cet instant. J'étais vidée de toutes émotions, et pourtant une étrange sensation parcourait mon corps et chatouillait mes jambes.

Maison des Rhodes, le 26/06/2009

« Je prends la salle de bain ! » annonçai-je à mon père alors que je quittais la table.

Je n’avais pas réussi à dormir, trop bouleversée par l’événement bizarre qui remontait à quelques heures. Je crois que ça allait m’occuper l’esprit encore longtemps. Peut-être qu’aujourd’hui j’irais poser la question à un de mes professeurs. Il saura sans doute m’éclairer, je l’espère en tout cas.
Je rentrai dans la pièce et m’appuyai contre le lavabo, soufflant un bon coup. Jetant un coup d’œil au miroir, j’ouvris le robinet et passai mes mains sous l’eau pour me laver le visage. Un geste qui me donnait étrangement la pêche pour la suite. Soudain, je sentis quelque chose de bizarre me comprimer les jambes puis je tombai à la renverse, non sans lâcher un petit cri. Je me relevai sur mes coudes et découvris avec horreur qu’à la place de mes membre inférieurs, se trouvait une imposante nageoire turquoise. J’écarquillai les yeux. Qu’est-ce que j’étais devenue ? Une demi-morue ? Un poisson géant ? Ma poitrine était couverte des mêmes écailles qui recouvraient mes jambes. Non. A priori, j’étais…une petite sirène. Comme celles dans les contes de fées ? Est-ce que j’étais également carnivore et bonne chanteuse ? Je n’en avais absolument aucune idée. Mais un truc était sûr…C’était le commencement des problèmes.


Fac de psychologie, le 5/05/2010

« Bas alors, Evy, pourquoi tu sors pas ? ».

J’étais plantée là, comme une imbécile, dans le hall de la fac, à regarder la pluie tomber. Lucille, me tirait par le bras mais j’essayais de résister le plus possible. Je n’avais aucune explication rationnelle à lui donner.

« Je peux pas, je te dis ! ». Mon amie me lâcha et croisa les bras, l’air interrogateur. Trouver une excuse valable était mon seul objectif de l’instant.

« J’attends quelqu’un, Lucille. »

Celle-ci haussa un sourcil. « Mon…ami. Je dois le voir un moment. ». Elle soupira et m’embrassa sur la joue.

« A demain, alors, miss bizarre. ».

Je lui tirai la langue tandis qu’elle s’éloignait pour rejoindre son copain. Il ne pleuvait pas souvent, ici, en Grèce fort heureusement. Mais quelques fois, le mauvais temps se montrait vraiment diabolique. Je suivis le couple des yeux puis, au moment où il n’était plus dans mon champ de vision, je m’appuyai sur une colonne blanche du hall et glissai lentement de tout son long. Je n’avais plus qu’à attendre la fin de l’averse et pour patienter, je sortis livre et bloc-notes afin de terminer le travail à rendre pour le lendemain. J'avais dit adieu au métier de zoologiste et bonjour à la psychologie. Le plan B, quoi. Ma nature de sirène ne me permettait pas de jouer avec l'eau.

Maison des Rhodes, le 30/05/2012

« Ma chérie… Assis-toi, s’il te plaît. » me demanda mon père.

Je m’exécutai et pris place sur le canapé crème, en face d’eux. Mon géniteur se racla la gorge, et après un furtif regard à ma mère, il se tourna de nouveau vers moi.

« Everleigh…Il y a 22 ans, une petite fille est arrivée dans notre vie. Toi, magnifique et tellement craquante. Malheureusement, tu n’étais pas notre enfant. Ta maman et moi t’avons adoptée. La procédure a été simple et rapide, vu que tu n’étais qu’un tout petit bébé fragile. Voilà, je crois qu’il était temps que tu l’apprennes, maintenant que tu vas bientôt quitter le cocon familial. »

Cette annonce me fit l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Mes parents n’étaient pas vraiment mes parents. Et pourtant, malgré le choc terrible de l’annonce, je ne leur en voulais pas, bien au contraire. Ils m’avaient élevé, aimé, éduqué comme si j’étais leur fille "biologique"

« Et pour couronner le tout, ton père et moi…Avons appris que tu avais une sœur. Une jumelle, qui vit actuellement en Australie, dans une petite ville du nom de Cooktown. Ta ville natale. »

J’écarquillai les yeux. Je ne savais pas quoi dire. C’était terriblement déstabilisant. J’étais presque désorientée. Mais le sourire que m’adressa ma mère me rappela que c’était eux, mes vrais parents. Ils avaient sacrifié un tas de choses pour moi, je ne pourrais jamais assez les remercier de m’avoir donné une seconde chance. Concernant ma sœur, une partie de moi désirait la retrouver. J’avais maintenant l’impression d’avoir grandi sans une moitié de moi-même.



Me voilà maintenant à Cooktown. Je viens tout juste de débarquer en ville, et je m’y sens déjà bien. Mes parents m’aident à payer le minuscule appartement que je loue et je vais bientôt reprendre mes études de psychologie. Tout va pour le mieux. (Sauf que je suis une retraitée précoce –ou une chômeuse qui n’arrive pas à trouver de boulot mais ça fait moins…incroyable-)
J’ai eu quelques informations au sujet de ma sœur, certain m’ont même prit pour elle et je me suis prêtée au jeu, bien que j’ai appris en même temps que ma jumelle n’est pas quelqu’un de très sympathique. Je veux faire sa connaissance et tout ce qui s’en suit mais je crois d’abord que mon pied et son derrière vont s’apprécier rapidement. J’ai décidé de tenter de la faire revenir dans le droit chemin.