• Avez-vous des rêves ou des espoirs pour le futur ? La maladie brise les plus grands rêves, les plus beaux, les plus audacieux. Être malade nous interdit définitivement d'avoir tout espoir en une vie future. Qui sait si demain, je ne serais pas retrouvé mort, allongé sur le sable ? Personne. Ni les médecins, ni moi. Il y a quelques années, mes rêves auraient été de devenir champion de volley-ball, de courir le marathon de New York. Evidemment, je peux encore faire tout ça mais en ayant conscience de ce qu'il peut m'arriver. En ayant conscience que ma vie peut s'éteindre en une crise cardiaque. Si je devais avoir un unique espoir, ce serait de vivre longtemps, sans jamais avoir à me fier à cette chose qui a détruit ma vie en quelques minutes. Mon seul espoir est de guérir.
• Dans la vie, on a des hauts et des bas. Si vous deviez nous racontez le souvenir le plus heureux de votre vie, lequel serait-il ? Mon souvenir le plus heureux est sans doute le jour où j'ai retrouvé la trace de Shaelynn. Il pleuvait énormément ce jour-là, une averse qui n'en finissait plus. Très peu d'habitants avaient osé s'aventurer dehors, pas même pour aller à l'épicerie. Je les comprenais, j'étais de ceux-là. Ce jour-là, j'avais passé ma journée sur le net, à chercher sans aucune lassitude l'autre moitié de moi, ma soeur jumelle, encore inconnue. Je tenais à savoir ce qu'elle était devenue, qui elle était. Je tenais à la rencontrer. Lorsque je l'ai retrouvé, parmi des dizaines de sites internet, je peux vous l'assurer, je n'ai jamais été aussi heureux. Je n'avais que dix-sept ans. Cette jeune femme ne me ressemblait pas tant que ça, un simple faux air mais chaque élément de mon acte de naissance correspondait au sien. Les probabilités pour qu'elle ne soit pas celle que je cherche était mince, trop mince. Elle était née cinq minutes avant moi, dans la même maternité. Elle avait le même groupe sanguin, la même tache de naissance. J'étais certainement trop naïf mais j'y ai cru. J'y ai cru tellement fort que j'en serais mort si ça n'avait pas été vrai. Heureusement pour moi, Shaelynn s'est révélée être celle que je croyais.
• Si vous aviez l'opportunité de remonter le temps, quel événement de votre vie changeriez vous ? Sans doute mon adoption. Remonter le temps pour être certain de ne jamais être séparé de Shaelynn. En y réfléchissant, depuis qu'elle est entrée dans ma vie, je ne me vois plus vivre sans elle. Je ne me vois plus loin d'elle. Si le temps nous a fait nous retrouvé, pourquoi pas le remonter et faire en sorte qu'il ne nous sépare jamais ? Elle est longtemps restée une inconnue pour moi, c'est vrai, mais à présent, je ne peux plus la laisser partir. Elle est comme un bijou à mes yeux, trop précieux. Si j'avais pu vivre chaque jour de ma vie à ses côtés, je n'aurais sans doute pas eu tant envie de la garder près de moi, de la protéger comme je le fais actuellement.

• Vivant dans un petite ville côtière, aimez-vous vous allez nager ou profiter des plages de Cooktown ? J'aime nager, sentir mon corps caressé par l'eau transparente. J'aime observé le fond de l'océan. J'aime m'imaginer en poisson, nageant à vive allure à travers les algues, fuyant le danger. L'océan est tellement grand que j'aimerais pouvoir le traverser, changer d'air pour quelques heures en quelques coups de nageoires. Bien que profiter de la plage de me gênerait pas, je préfère être dans l'eau qu'en dehors. La vie y est bien plus belle sous la mer.
• Avez-vous déjà assisté à un phénomène étrange ou surnaturel ? C'était il y a un an, peut-être un peu plus. Je faisais de la plongée sous-marine, seul, cherchant de nouvelles espèces à photographier. Si j'avais imaginé voir cela, j'aurais surement ri. Ce jour-là, j'ai vu quelque chose d'étrange. De fantastique même. Cette femme n'était pourtant pas si différente, seulement, ses pieds n'en étaient pas. Une longue nageoire les recouvrait. J'avais devant moi une sirène, ou du moins, j'avais en face de moi, l'image que je me faisais d'une sirène. Belle, divine et différente. Mon appareil photo s'est déclenché, immortalisant le moment et faisant fuir la créature surnaturelle. De ce phénomène, il ne me reste que cette image. Aujourd'hui encore, je cherche cette femme, ayant peur d'avoir imaginé le moment. Je garde cette photo précieusement, ne voulant pas la montrer à qui que ce soit.

février 2004, cooktown

Parfois dans la vie, il se forme un lien indestructible entre deux personnes et parfois vous finissez par rencontrer cette personne sur qui vous pouvez compter quoi qu'il arrive. Il peut s'agir d'un être avec qui vous vous unirez lors d'un mariage de rêve, mais il se peut aussi que la personne sur qui vous pourrez compter pendant toute votre vie, la seule qui vous connaisse vraiment, peut-être encore plus que vous même, soit la même personne qui est à vos côtés depuis le tout début.

k. hudson

Toutes les histoires devraient commencer par il était une fois. Toutes les histoires devraient être heureuses, joyeuses et dénuées d’horreur et de malheur. Dénuées de mensonge, de trahison et de tristesse. La mienne aurait pu être ainsi. Elle l’a été et s’est effondrée, sans même que je ne comprenne pourquoi. Ce que j’avais construit durant mes quinze années de vie venait d’être détruit, réduit à un rien. Le mensonge représente rien de bien à mes yeux, juste une trahison idiote.
La pluie tombait à flot, recouvrant les trottoirs de la ville de flaque d’eau. Je courrais, mes cheveux étaient trempés, mes chaussures émettaient un bruit de clapotis incessant. Au loin, je voyais notre maison, bien trop grande, bien trop luxueuse, elle se rapprochait à mesure que j’avançais. Le facteur était présent, aussi trempé que moi. Depuis quinze ans, il était devenu un ami de la famille et je l’appréciais beaucoup. Sa culture musicale et son gout pour les vieux objets m’ont toujours fasciné. « Dimitri, vous voulez entrer cinq minutes, le temps de vous réchauffer ? » Chaleureux, je lui souriais, insistant pour qu’il m’accompagne avec le courrier. Le début de ma fin commençait à ce moment-là. Il accepta, sans vraiment broncher. Il me savait persuasif et il n’aurait pas refusé. Il me donna les enveloppes qu’il aurait dû mettre dans notre boîte aux lettres tout en m’expliquant qu’il avait fait acquisition d’un nouveau disque que j’aimerais sans aucun doute. Je ne l’écoutais plus vraiment, une des lettres m’intriguaient. Le cachet de l’hôpital aussi d’ailleurs. Je ne savais pas si c’était mon inquiétude qui parlait ou si ma curiosité était plus forte que je ne l’aurais cru mais j’ai ouvert cette enveloppe, installé sur une chaise de la cuisine en face du jeune trentenaire. Il s’était servi lui-même un café, l’habitude sans aucun doute. « Monsieur Nohann, quelque chose ne va pas ? Vous êtes tout pâle ? » J’avais de quoi être blanc, vraiment. La découverte que je venais de faire n’était en rien le genre de découverte qu’on aimerait faire à l’âge de quinze ans. L’âge où les seules choses que l’on aimerait découvrir sont propices et amusantes. Ce n’était pas le cas.
J’avais rejoins ma chambre, hurlant à la mort. Je revoyais les mots écrits sur ce morceau de papier, je revoyais ces annotations que je n’aurais soupçonnées dans aucun cas de figure. Stérile, mon père était stérile depuis toujours. Il n’a jamais pu avoir d’enfant, tout était écrit en caractères gras. La deuxième feuille indiquait des analyses dont je ne connaissais pas la provenance. Une maladie héréditaire, cardiaque qui nécessitait un traitement d’urgence. Je ressentais à la fois une peur certaine et une colère intense. Perdu, je ne savais plus quoi faire hormis poser mes questions directement à mes parents ou du moins, ceux que j’imaginais comme tels.
« Nohann, on est rentré. » La porte d’entrée venait de claquer, me réveillant en sursaut. Je m’étais endormi sans même m’en rendre compte. Etrange. Le réveil indiquait le petit matin, aujourd’hui, je prenais quinze ans. Je savais déjà que des cadeaux m’attendaient dans le salon mais ils m’importaient peu. Je me souvenais parfaitement de ce qui était arrivé la veille et j’avais besoin d’explication. Je descendais les escaliers en trombe, manquant plusieurs fois de tomber. Un regard noir envers mes adorables parents, l’enveloppe à la main. « Bon anniversaire chéri ! » Ma mère souriait, ne remarquant pas que quelque chose n’allait, ce qui n’était pas le cas de mon père, lui l’avait remarqué. « Qu’est-ce qui se passe, Noha ? » Je lui jetais les papiers à la figure, criant un peu plus après eux. Je les maudissais, laissant toute ma colère et mes larmes sortir. Les accusant de m’avoir caché pendant quinze ans qui j’étais réellement. « Nohann Zadig Kaleb Harper, tu te calmes ! Maintenant. Et tu vas t’assoir dans le salon. » Pour qu’il m’appelle ainsi, c’est que j’avais réussi mon coup. J’en étais assez fier malgré tout.
« Je vais tout t’expliquer, Noha, ne m’interromps pas. » Je ne l’ai pas interrompu. Je n’ai rien dit. Ecoutant simplement des aveux qui j’aurais préféré ne jamais entendre le jour de mon anniversaire. Mes parents m’avaient adopté quelques temps après ma naissance, me séparant de ma sœur jumelle, deux jeunes bébés étant trop pour eux. Ils ont pourtant tenu à être au courant de la vie de cette jeune demoiselle jusqu'à ce qu'elle aille dix ans. Passant de foyer en foyer, elle n’a jamais réussi à s’intégrer dans une famille, cherchant constamment autre chose qu’une vie comme celle qu’on lui proposait. Bouleversé, je restais muet attendant la suite. Ma mère biologique a disparu après l’accouchement, nous laissant tous les deux. D’après son dossier, elle avait fait de la prison et avait penchant pour la drogue. Elle n’aurait sans doute pas fait une bonne mère. « Et la maladie ? » Je venais juste de prononcer ces mots, après un long silence de ma part. Je tenais à savoir. « Nous avons appris que ta sœur était atteinte de cette maladie il y a quelques années. On a dû te faire les tests nous aussi pour nous assurer que ... » Il n’a pas continué. Je savais très bien que j’avais moi aussi ce problème cardiaque qui me suivrait jusqu’à la fin. J’avais imaginé quelque chose de plus joyeux pour mes quinze ans. De plus festif. Je venais d’apprendre que j’avais une sœur, que j’étais malade et que j’avais été adopté. Les joies de la curiosité. J’ai quitté le salon, préférant m’isoler après tout ça.